Une photo inédite de Alphonse Chassepot
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TIR et COLLECTION Armes Règlementaires :: Armes règlementaires à poudre noire :: Armes à poudre noire à cartouches
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Oui, et pour plus de précisions , cette photo d'Alphonse Chassepot daterais de 1870 , l' époque ou il est au sommet de sa gloire, l' apogée à 37ans et promu officier de la Légion d'Honneur en cette même année.
C'est bien sur l'époque ou les manufactures tournent à fond pour l'élaboration du célèbre fusil
je cherche en vain à reconstituer sa vie , je publierais une photo de sa maison à Paris glané sur le net.
Les documents sont rares , on aurait aimé connaitre le déroulement de sa carrière , ou il a vécut successivement .
Bonne soirée et peu être aura t-on la surprise de voire apparaitre d'autres informations inédites...
C'est bien sur l'époque ou les manufactures tournent à fond pour l'élaboration du célèbre fusil
je cherche en vain à reconstituer sa vie , je publierais une photo de sa maison à Paris glané sur le net.
Les documents sont rares , on aurait aimé connaitre le déroulement de sa carrière , ou il a vécut successivement .
Bonne soirée et peu être aura t-on la surprise de voire apparaitre d'autres informations inédites...
Loigny 28- Membre expert
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
C'est marrant, ma femme regardait la photo par dessus mon épaule, elle m'a dit que les gens de cette époque avaient vraiment la classe niveau habillement, et je la rejoint à 100% sur ce constat.
Lurtz- Pilier du forum
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Faut avouer que le Jean's comme habillement national , c'est pas glamour .
Un pantalon de travail en toile grossière .
Un pantalon de travail en toile grossière .
deGuers- Pilier du forum
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
deGuers a écrit:Faut avouer que le Jean's comme habillement national , c'est pas glamour .
Un pantalon de travail en toile grossière .
Une toile quand même inventée en France, à Nîmes.
D’où son nom : la toile Denim.
François
"Je demande d'emmener avec moi 600 hommes de la Légion étrangère afin de pouvoir, le cas échéant, mourir convenablement"... (Général Gallieni à Madagascar).
oxi81- Pilier du forum
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Biographie Chassepot :
Antoine Alphonse Chassepot, inventeur du fusil qui porte son nom, contrôleur principal d’armes de guerre, officier de la Légion d’Honneur, fils de Jean-Baptiste Chassepot, ancien contrôleur principal d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie, chevalier de la Légion d’Honneur et de madame Hélène Bruder, est né à Mutzig le 4 mars 1833.
Fils d’un très habile praticien, le jeune Chassepot héritera de son père des aptitudes spéciales dans la fabrication des armes de guerre. Il avait reçu à la pension Hortus une belle éducation et une forte instruction classique qui lui auraient permis de se frayer un chemin dans une carrière lucrative, mais attiré par le goût des arts mécaniques, comportant un travail manuel, il se fit admettre dès le 4 mars 1851, alors qu’il venait d’atteindre sa 18ème année, à la manufacture d’armes de Châtellerault comme simple compagnon platineur.
Doué d’une remarquable intelligence et de grandes capacités, il obtint en peu de temps, les certificats d’aptitude inhérents à toutes les parties de la fabrication de l’arme à feu et de l’arme blanche, aussi fût-il vite apprécié à sa valeur par le directeur de l’établissement qui, malgré son jeune âge, le désigna à l’inspecteur des manufactures pour le premier emploi vacant à l’Atelier des modèles d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie à Paris, où il fut effectivement envoyé par DM le 17 novembre 1853.
Incorporé dans la 2ème Compagnie d’Ouvriers d’Artillerie, le 26 mai 1854, comme appelé inscrit sous le numéro matricule 2064 de la liste du contingent du Département de la Seine (classe 1853) par DM du 19 mars 1854, il fut détaché de cette compagnie et maintenu à l’Atelier des modèles d’armes par DM du 31 mai suivant.
Chassepot s’appliqua dans ce poste de choix à l’exécution des travaux de précision à lui confiés et conclut vers cette époque l’idée de créer, en dehors de ses heures de service, une arme se chargeant par la culasse, avec rondelle en caoutchouc comme mode d’obturation du canon et platine et cheminée comme moyen de percussion.
Ce premier type d’arme, breveté le 18 aout 1857 et proposé officiellement le 3 novembre 1857, ayant donné lieu à un rapport favorable de l’Ecole de Tir, Chassepot fut envoyé par DM du 2 mars 1858, le nommant Contrôleur d’armes de 2ème classe à la Manufacture de Saint-Etienne, pour y faire fabriquer 150 mousquetons de cavalerie de son système, devant être expérimentés dans trois régiments à Chartres, Versailles et Meaux.
Ces expériences ayant donné de bons résultats, il s’agissait alors de prendre une décision, retardée d’une part par le choix du calibre à adopter et d’autre part par l’intervention de S.M. l’Empereur qui exprima à ce moment le désir d’avoir une arme ayant un moyen de percussion autre que celui de la platine et de la cheminée (référence Dreyse modèle 1841).
C’est alors que Chassepot construisit un deuxième type d’arme à percussion centrale avec cartouche à culot métallique (genre Lefaucheux) qu’il présenta à M. le Colonel Bertrand, inspecteur des manufactures, à la date du 19 avril 1859. Ce type fut abandonné, d’une part parce que la cartouche Lefaucheux n’offrait pas de garanties suffisantes comme résistance à la rupture dans les armes de petits calibres et d’autre part parce que ni l’Etat ni l’industrie n’étaient à ce moment outillés pour la fabrication de cartouches satisfaisant ces conditions.
Le 10 mai suivant, Chassepot épousait à Châtellerault, mademoiselle Pauline Augustine Chassepot, fille de Pierre Chassepot, ancien contrôleur principal d’armes, chevalier de la Légion d’Honneur, sa parente, qui devint sa noble et vaillante épouse.
Promu à la 1ère Classe de son grade à Saint-Etienne par DM du 5 décembre 1861 puis détaché à l’Ecole de Tir par DM du 19 mars 1862, Chassepot persévéra dans ses études en utilisant les avantages qui avaient été appréciés dans les armes qui avaient fait l’objet de ses propositions précédentes.
C’est ainsi qu’il appliqua le mode d’obturation, breveté en 1857 et permettant l’emploi d’une cartouche en papier, à un troisième type d’arme à aiguille qu’il eut l’honneur de soumettre le 6 décembre 1862 à S.M. l’Empereur auquel il fut présenté par S.E. le Maréchal Mac-Mahon.
A la suite de cette proposition, faite officiellement le 15 janvier 1863, Chassepot fut détaché à la Commission permanente de Tir de Vincennes, suivant décision du 30 janvier 1863 et envoyé à la date du 6 février suivant à la manufacture d’armes de Châtellerault pou y fabriquer, suivant la DM du 4 février suivant, 16 armes de ce 3ème type, de quatre calibres différents, devant être expérimentés par la Commission permanente de Tir, à Vincennes.
Cette fabrication terminée, Chassepot étudia un quatrième type d’arme à aiguille qu’il présenta le 19 octobre 1863 à M. le commandant Maldan et dont plusieurs spécimens furent ensuite fabriqués à Châtellerault suivant DM du 11 juillet 1864. Nommé contrôleur principal d’armes à la Commission permanente de Tir par décision du 3 novembre 1864 puis le 22 décembre 1864 au Dépôt Central de l’Artillerie à Paris, Chassepot étudia au Polygône de Vincennes, suivant DM du 14 juillet 1864, les éléments de la cartouche à approprier au tir de son quatrième et dernier modèle.
A la suite de ces études, terminées fin mars 1866, le Ministre décida à la date du 19 février suivant de faire fabriquer à la manufacture de Châtellerault 1500 fusils du système Chassepot, suivant approbation donnée par S.M. l’Empereur à la date du 14 du même mois.
Le 13 avril 1866, ordre fut donné à chassepot de se rendre à Châtellerault pour diriger et surveiller la fabrication de cette commande réduite à 400 armes de son système et 100 du système présenté par le capitaine Plumerel.
Cette fabrication terminée, le Ministre, par DM du 11 juillet 1866 institua une commission supérieure composée comme suit :
Président : général de division d’Autemarre
Vice-président : général de division Bourbaki
Membres : généraux Blanchard, Bataille, Rose, Lartigue, de Bentzmann – les colonels Becquet de Sonnay, Bordas – les chefs de bataillon De Bouchemann et Capdevielle, le chef d’escadron Maldan (rapporteur) et les deux adjoints le capitaine Plumerel et le contrôleur principal Chassepot.
Expériences devant être faites au Camp de Châlons sous la haute surveillance de son Excellence le Maréchal commandant en chef la Garde Impériale.
Après expériences comparatives faites avec 400 fusils à aiguille du système Chassepot et 100 fusils du système du capitaine Plumerel, quelques armes du système de M. le général Favé et un certain nombre d’armes se chargeant par la bouche, la Commission, dans son rapport du 14 aout 1866 conclut en demandant l’adoption immédiate de l’arme à aiguille système Chassepot et de la cartouche, telles qu’elles ont été présentées aux expériences.
C’est ainsi que le fusil modèle 1866, gardera son nom et est resté pendant huit années l’arme de guerre qui est restée la meilleure en France et dont le type s’est répandu dans les puissances étrangères qui s’en sont inspirées pour renouveler leur armement.
La Commission supérieure ayant conclu à l’adoption du fusil Chassepot, celui-ci, s’en référant aux termes de son mémoire 3 novembre 1857, acceptés et reconnus officiellement par le Ministère de la Guerre crut devoir comme alors s’assurer la priorité de son invention vis à vis de l’industrie et des puissances étrangères, en le faisant breveter à la date du 27 août 1866, en faisant comme précédemment abandon à l’Etat seulement de son invention.
Le 30 août 1866, l’Empereur, sur la proposition du Ministère de la Guerre, décidait que le fusil à aiguille, système Chassepot, serait adopté pour l’armement des troupes et nommait Monsieur Chassepot chevalier de la Légion d’Honneur (voir Moniteur de l’Armée du 6 septembre 1866).
Le 5 septembre 1866, dans une entrevue que Chassepot eut avec le M. le Général Susane, Directeur de l’Artillerie au Ministère de la Guerre, celui-ci fit part à Chassepot du désir qu’il aurait de lui faire accorder, à titre de récompense, une indemnité de 100 000 francs dont le paiement devait être effectué, d’après lui, comme suit : 50 000 francs payables immédiatement et 50 000 francs à prélever sur 500 000 armes au fur et à mesure de leur fabrication à raison de 10 centimes par arme.
Ces bonnes dispositions n’ayant eu aucune suite, et le Ministre de la guerre n’ayant tenu aucun compte des droits que s’était réservés Chassepot vis à vis de l’industrie privée à laquelle il a du avoir recours, ce dernier se décide à offrir sa démission au Ministre de la Guerre à la date du 10 janvier 1867.
Le 19 février 1867, le général Susane, Directeur de l’Artillerie au Ministère écrit à Chassepot « j’ai décidé le 31 janvier dernier qu’il vous serait alloué, à titre d’indemnité, une somme de 30 000 francs, pour vous couvrir des dépenses que vous avez pu faire pour l’étude des modèles d’armes et des cartouches que vous avez présentées ». Cette lettre confirme d’une manière irrécusable la qualité d’inventeur des modèles d’armes proposées par Chassepot et étudiées à ses frais.
Le 25 février suivant, Chassepot maintenant son offre de démission, était mis en congé hors cadre, sans solde, dans le but de ménager des droits à une pension de retraite (lettre ministérielle du 13 mars 1867).
Le 19 janvier 1870, le colonel Pourra convoqua Chassepot au Ministère de la Guerre pour lui demander s’il était disposé de rentrer dans les cadres, ce à quoi celui-ci répondit par un refus.
Enfin, le 31 janvier suivant, le général Le Bœuf estimant qu’il y avait lieu d’accorder une récompense exceptionnelle au contrôleur principal d’armes Chassepot, proposait au Ministre de décider qu’il soit présenté à S.M. l’Empereur pour obtenir la Croix d’officier de la Légion d’Honneur, distinction qui lui fut accordée par décret impérial du 12 mars 1870, au titre militaire (suivant lettre de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur en date du 31 mai 1870).
Fait à Gagny par Alphonse Chassepot le 14 septembre 1903.
Chassepot meurt le 5 février 1905 à Gagny, Seine et Oise où il demeurait au 18ter rue Villemomble ?
Attention à l'interprétation de cette autobiographie qui est de ce fait orientée sur certains aspects contradictoires de l'histoire réelle de la mise au point du système de percussion à aiguille. Il surtout retenir ici les aspects de sa vie personnelle. Je vais rajouter quelques extraits de documents officiels retranscrits et provenant d'archives militaires et notariales.
Antoine Alphonse Chassepot, inventeur du fusil qui porte son nom, contrôleur principal d’armes de guerre, officier de la Légion d’Honneur, fils de Jean-Baptiste Chassepot, ancien contrôleur principal d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie, chevalier de la Légion d’Honneur et de madame Hélène Bruder, est né à Mutzig le 4 mars 1833.
Fils d’un très habile praticien, le jeune Chassepot héritera de son père des aptitudes spéciales dans la fabrication des armes de guerre. Il avait reçu à la pension Hortus une belle éducation et une forte instruction classique qui lui auraient permis de se frayer un chemin dans une carrière lucrative, mais attiré par le goût des arts mécaniques, comportant un travail manuel, il se fit admettre dès le 4 mars 1851, alors qu’il venait d’atteindre sa 18ème année, à la manufacture d’armes de Châtellerault comme simple compagnon platineur.
Doué d’une remarquable intelligence et de grandes capacités, il obtint en peu de temps, les certificats d’aptitude inhérents à toutes les parties de la fabrication de l’arme à feu et de l’arme blanche, aussi fût-il vite apprécié à sa valeur par le directeur de l’établissement qui, malgré son jeune âge, le désigna à l’inspecteur des manufactures pour le premier emploi vacant à l’Atelier des modèles d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie à Paris, où il fut effectivement envoyé par DM le 17 novembre 1853.
Incorporé dans la 2ème Compagnie d’Ouvriers d’Artillerie, le 26 mai 1854, comme appelé inscrit sous le numéro matricule 2064 de la liste du contingent du Département de la Seine (classe 1853) par DM du 19 mars 1854, il fut détaché de cette compagnie et maintenu à l’Atelier des modèles d’armes par DM du 31 mai suivant.
Chassepot s’appliqua dans ce poste de choix à l’exécution des travaux de précision à lui confiés et conclut vers cette époque l’idée de créer, en dehors de ses heures de service, une arme se chargeant par la culasse, avec rondelle en caoutchouc comme mode d’obturation du canon et platine et cheminée comme moyen de percussion.
Ce premier type d’arme, breveté le 18 aout 1857 et proposé officiellement le 3 novembre 1857, ayant donné lieu à un rapport favorable de l’Ecole de Tir, Chassepot fut envoyé par DM du 2 mars 1858, le nommant Contrôleur d’armes de 2ème classe à la Manufacture de Saint-Etienne, pour y faire fabriquer 150 mousquetons de cavalerie de son système, devant être expérimentés dans trois régiments à Chartres, Versailles et Meaux.
Ces expériences ayant donné de bons résultats, il s’agissait alors de prendre une décision, retardée d’une part par le choix du calibre à adopter et d’autre part par l’intervention de S.M. l’Empereur qui exprima à ce moment le désir d’avoir une arme ayant un moyen de percussion autre que celui de la platine et de la cheminée (référence Dreyse modèle 1841).
C’est alors que Chassepot construisit un deuxième type d’arme à percussion centrale avec cartouche à culot métallique (genre Lefaucheux) qu’il présenta à M. le Colonel Bertrand, inspecteur des manufactures, à la date du 19 avril 1859. Ce type fut abandonné, d’une part parce que la cartouche Lefaucheux n’offrait pas de garanties suffisantes comme résistance à la rupture dans les armes de petits calibres et d’autre part parce que ni l’Etat ni l’industrie n’étaient à ce moment outillés pour la fabrication de cartouches satisfaisant ces conditions.
Le 10 mai suivant, Chassepot épousait à Châtellerault, mademoiselle Pauline Augustine Chassepot, fille de Pierre Chassepot, ancien contrôleur principal d’armes, chevalier de la Légion d’Honneur, sa parente, qui devint sa noble et vaillante épouse.
Promu à la 1ère Classe de son grade à Saint-Etienne par DM du 5 décembre 1861 puis détaché à l’Ecole de Tir par DM du 19 mars 1862, Chassepot persévéra dans ses études en utilisant les avantages qui avaient été appréciés dans les armes qui avaient fait l’objet de ses propositions précédentes.
C’est ainsi qu’il appliqua le mode d’obturation, breveté en 1857 et permettant l’emploi d’une cartouche en papier, à un troisième type d’arme à aiguille qu’il eut l’honneur de soumettre le 6 décembre 1862 à S.M. l’Empereur auquel il fut présenté par S.E. le Maréchal Mac-Mahon.
A la suite de cette proposition, faite officiellement le 15 janvier 1863, Chassepot fut détaché à la Commission permanente de Tir de Vincennes, suivant décision du 30 janvier 1863 et envoyé à la date du 6 février suivant à la manufacture d’armes de Châtellerault pou y fabriquer, suivant la DM du 4 février suivant, 16 armes de ce 3ème type, de quatre calibres différents, devant être expérimentés par la Commission permanente de Tir, à Vincennes.
Cette fabrication terminée, Chassepot étudia un quatrième type d’arme à aiguille qu’il présenta le 19 octobre 1863 à M. le commandant Maldan et dont plusieurs spécimens furent ensuite fabriqués à Châtellerault suivant DM du 11 juillet 1864. Nommé contrôleur principal d’armes à la Commission permanente de Tir par décision du 3 novembre 1864 puis le 22 décembre 1864 au Dépôt Central de l’Artillerie à Paris, Chassepot étudia au Polygône de Vincennes, suivant DM du 14 juillet 1864, les éléments de la cartouche à approprier au tir de son quatrième et dernier modèle.
A la suite de ces études, terminées fin mars 1866, le Ministre décida à la date du 19 février suivant de faire fabriquer à la manufacture de Châtellerault 1500 fusils du système Chassepot, suivant approbation donnée par S.M. l’Empereur à la date du 14 du même mois.
Le 13 avril 1866, ordre fut donné à chassepot de se rendre à Châtellerault pour diriger et surveiller la fabrication de cette commande réduite à 400 armes de son système et 100 du système présenté par le capitaine Plumerel.
Cette fabrication terminée, le Ministre, par DM du 11 juillet 1866 institua une commission supérieure composée comme suit :
Président : général de division d’Autemarre
Vice-président : général de division Bourbaki
Membres : généraux Blanchard, Bataille, Rose, Lartigue, de Bentzmann – les colonels Becquet de Sonnay, Bordas – les chefs de bataillon De Bouchemann et Capdevielle, le chef d’escadron Maldan (rapporteur) et les deux adjoints le capitaine Plumerel et le contrôleur principal Chassepot.
Expériences devant être faites au Camp de Châlons sous la haute surveillance de son Excellence le Maréchal commandant en chef la Garde Impériale.
Après expériences comparatives faites avec 400 fusils à aiguille du système Chassepot et 100 fusils du système du capitaine Plumerel, quelques armes du système de M. le général Favé et un certain nombre d’armes se chargeant par la bouche, la Commission, dans son rapport du 14 aout 1866 conclut en demandant l’adoption immédiate de l’arme à aiguille système Chassepot et de la cartouche, telles qu’elles ont été présentées aux expériences.
C’est ainsi que le fusil modèle 1866, gardera son nom et est resté pendant huit années l’arme de guerre qui est restée la meilleure en France et dont le type s’est répandu dans les puissances étrangères qui s’en sont inspirées pour renouveler leur armement.
La Commission supérieure ayant conclu à l’adoption du fusil Chassepot, celui-ci, s’en référant aux termes de son mémoire 3 novembre 1857, acceptés et reconnus officiellement par le Ministère de la Guerre crut devoir comme alors s’assurer la priorité de son invention vis à vis de l’industrie et des puissances étrangères, en le faisant breveter à la date du 27 août 1866, en faisant comme précédemment abandon à l’Etat seulement de son invention.
Le 30 août 1866, l’Empereur, sur la proposition du Ministère de la Guerre, décidait que le fusil à aiguille, système Chassepot, serait adopté pour l’armement des troupes et nommait Monsieur Chassepot chevalier de la Légion d’Honneur (voir Moniteur de l’Armée du 6 septembre 1866).
Le 5 septembre 1866, dans une entrevue que Chassepot eut avec le M. le Général Susane, Directeur de l’Artillerie au Ministère de la Guerre, celui-ci fit part à Chassepot du désir qu’il aurait de lui faire accorder, à titre de récompense, une indemnité de 100 000 francs dont le paiement devait être effectué, d’après lui, comme suit : 50 000 francs payables immédiatement et 50 000 francs à prélever sur 500 000 armes au fur et à mesure de leur fabrication à raison de 10 centimes par arme.
Ces bonnes dispositions n’ayant eu aucune suite, et le Ministre de la guerre n’ayant tenu aucun compte des droits que s’était réservés Chassepot vis à vis de l’industrie privée à laquelle il a du avoir recours, ce dernier se décide à offrir sa démission au Ministre de la Guerre à la date du 10 janvier 1867.
Le 19 février 1867, le général Susane, Directeur de l’Artillerie au Ministère écrit à Chassepot « j’ai décidé le 31 janvier dernier qu’il vous serait alloué, à titre d’indemnité, une somme de 30 000 francs, pour vous couvrir des dépenses que vous avez pu faire pour l’étude des modèles d’armes et des cartouches que vous avez présentées ». Cette lettre confirme d’une manière irrécusable la qualité d’inventeur des modèles d’armes proposées par Chassepot et étudiées à ses frais.
Le 25 février suivant, Chassepot maintenant son offre de démission, était mis en congé hors cadre, sans solde, dans le but de ménager des droits à une pension de retraite (lettre ministérielle du 13 mars 1867).
Le 19 janvier 1870, le colonel Pourra convoqua Chassepot au Ministère de la Guerre pour lui demander s’il était disposé de rentrer dans les cadres, ce à quoi celui-ci répondit par un refus.
Enfin, le 31 janvier suivant, le général Le Bœuf estimant qu’il y avait lieu d’accorder une récompense exceptionnelle au contrôleur principal d’armes Chassepot, proposait au Ministre de décider qu’il soit présenté à S.M. l’Empereur pour obtenir la Croix d’officier de la Légion d’Honneur, distinction qui lui fut accordée par décret impérial du 12 mars 1870, au titre militaire (suivant lettre de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur en date du 31 mai 1870).
Fait à Gagny par Alphonse Chassepot le 14 septembre 1903.
Chassepot meurt le 5 février 1905 à Gagny, Seine et Oise où il demeurait au 18ter rue Villemomble ?
Attention à l'interprétation de cette autobiographie qui est de ce fait orientée sur certains aspects contradictoires de l'histoire réelle de la mise au point du système de percussion à aiguille. Il surtout retenir ici les aspects de sa vie personnelle. Je vais rajouter quelques extraits de documents officiels retranscrits et provenant d'archives militaires et notariales.
Conservateur- Futur pilier
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Date d'inscription : 05/01/2015
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Projet de contrat de mariage arrêté chez maitre Champigny, notaire à Châtellerault le 1er mars 1859.
Mr Antoine Alphonse Chassepot, contrôleur d’armes à St Etienne, majeur, âgé de 25 ans, fils légitime de Jean-Baptiste Chassepot, contrôleur principal, chevalier de la Légion d’Honneur et de dame Hélaine Bruder.
Et Mlle Pauline Augustine Chassepot, sans profession, demeurant chez son père à Châtellerault. Mineure, âgée de 18 ans, née du mariage légitime de Pierre Chassepot, contrôleur principal retraité, chevalier de la Légion d’Honneur et de Me Françoise Wilhelmine Bonne.
Certificat de cessation de paiement, Place de la Fère : 2eme Compagnie d’ouvriers d’artillerie, 21 avril 1858 :
Le commandant de la Cie certifie que Chassepot Alphonse, canonnier ouvrier de 1ère classe passé contrôleur de 2ème classe à la MAS suivant DM du 2 mars 1858, a été payé…
Chassepot Antoine Alphonse, contrôleur principal d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie, par décret du 30 août 1866, l’Empereur l’a nommé chevalier de l’ordre impérial de la Légion d’Honneur. Avis du décret donné au Grand Chancelier de la Légion d’Honneur à Paris le 10 septembre 1866.
Lettre du Maréchal de France, Ministre Secrétaire d’Etat de la Guerre informe Mr Chassepot Antoine Alphonse, contrôleur principal d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie à Paris que par décision de ce jour, il a été mis hors cadre, sans solde, pendant l’exécution de la commande d’armes faite à la Société Cahen-Lyon et Cie, commande dont il doit avoir la direction technique.
Paris, le 25 février 1867. Remis à Chassepot le 1er mars 1867.
Nomination d’officier de l’Ordre Impérial de la Légion d’Honneur le 12 mars 1870.
Courrier du Ministre Secrétaire d’Etat de la Guerre, informe M. Chassepot Antoine Alphonse contrôleur principal d’armes (hors cadre), en congé à Paris que par décision du 12 mars 1870, sa démission est acceptée.
Paris, le 18 mars 1870.
Mr Antoine Alphonse Chassepot, contrôleur d’armes à St Etienne, majeur, âgé de 25 ans, fils légitime de Jean-Baptiste Chassepot, contrôleur principal, chevalier de la Légion d’Honneur et de dame Hélaine Bruder.
Et Mlle Pauline Augustine Chassepot, sans profession, demeurant chez son père à Châtellerault. Mineure, âgée de 18 ans, née du mariage légitime de Pierre Chassepot, contrôleur principal retraité, chevalier de la Légion d’Honneur et de Me Françoise Wilhelmine Bonne.
Certificat de cessation de paiement, Place de la Fère : 2eme Compagnie d’ouvriers d’artillerie, 21 avril 1858 :
Le commandant de la Cie certifie que Chassepot Alphonse, canonnier ouvrier de 1ère classe passé contrôleur de 2ème classe à la MAS suivant DM du 2 mars 1858, a été payé…
Chassepot Antoine Alphonse, contrôleur principal d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie, par décret du 30 août 1866, l’Empereur l’a nommé chevalier de l’ordre impérial de la Légion d’Honneur. Avis du décret donné au Grand Chancelier de la Légion d’Honneur à Paris le 10 septembre 1866.
Lettre du Maréchal de France, Ministre Secrétaire d’Etat de la Guerre informe Mr Chassepot Antoine Alphonse, contrôleur principal d’armes au Dépôt Central de l’Artillerie à Paris que par décision de ce jour, il a été mis hors cadre, sans solde, pendant l’exécution de la commande d’armes faite à la Société Cahen-Lyon et Cie, commande dont il doit avoir la direction technique.
Paris, le 25 février 1867. Remis à Chassepot le 1er mars 1867.
Nomination d’officier de l’Ordre Impérial de la Légion d’Honneur le 12 mars 1870.
Courrier du Ministre Secrétaire d’Etat de la Guerre, informe M. Chassepot Antoine Alphonse contrôleur principal d’armes (hors cadre), en congé à Paris que par décision du 12 mars 1870, sa démission est acceptée.
Paris, le 18 mars 1870.
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Toile de Nimes créée u XVIIème siècle et utilisée pour les vêtements de travail des bergers cévenols. Elle est alors beige...oxi81 a écrit:deGuers a écrit:Faut avouer que le Jean's comme habillement national , c'est pas glamour .
Un pantalon de travail en toile grossière .
Une toile quand même inventée en France, à Nîmes.
D’où son nom : la toile Denim.
Exportée en Itale où elle est teintée en bleu pour être moins salissante, avec une teinture dite blu di genova (italien : bleu de Gênes) d'où le nom blue jeans par déformation du mot à la prononciation US
Fra78- Pilier du forum
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Ho là!
Superbe...
Et d'abord merci à conservateur , pour ces informations inédites .
Les gens spécialisés dans des domaines précis sont une perle et un atout pour le forum...
Le puzzle avance ,car c'est vrai que sur internet il n'y a pas grand chose sur sa biographie.
je trouve qu'il ne faut pas négliger les inventeurs et leurs biographie ,en tout cas perso ça me passionne et c'est à mon sens aussi important que l'étude des armes .
Bonne journée .
T.B
Superbe...
Et d'abord merci à conservateur , pour ces informations inédites .
Les gens spécialisés dans des domaines précis sont une perle et un atout pour le forum...
Le puzzle avance ,car c'est vrai que sur internet il n'y a pas grand chose sur sa biographie.
je trouve qu'il ne faut pas négliger les inventeurs et leurs biographie ,en tout cas perso ça me passionne et c'est à mon sens aussi important que l'étude des armes .
Bonne journée .
T.B
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moblot70- Membre confirmé
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Et si on parlait de l'affaire Cahen-Lyon et Chassepot. D'abord la version de Chassepot... puis les échanges de courriers entre l'administration et Chassepot...
Historique des faits principaux qui se sont passés entre l’Administration de la Guerre, Mr Cahen-Lyon et Cie et Mr Chassepot depuis le 11 juillet 1866 jusqu’au 18 avril 1867 date de la commande de 100 000 fusils Chassepot donnée à Mr Cahen-Lyon et Cie (écrit par Chassepot) :
17 juillet 1866 : « Mr Cahen-Lyon et Cie demandent au Ministre si en présence de la prévision d’un changement d’armement, le Gouvernement consentirait à leur céder des armes de modèles abandonnés, qu’ils feraient transformer en armes du système Chassepot ».
Il est important de remarquer :
1) Que cette demande était faite au Ministre pendant que l’on fabriquait à Châtellerault les 400 fusils à aiguille système Chassepot devant être expérimentés dès le 1er août suivant par la Commission supérieure nommé par le Ministre de la Guerre le 11 juillet précédent.
2) Que la presse, dès cette époque, entretenait le public de cette arme et des essais qu’allaient avoir lieu au Camp de Châlons, sans faire en aucune façon, allusion à une transformation des armes anciennes.
Or, Mr Cahen-Lyon et Cie ne pouvaient ignorer les faits ci-dessus rendus publics, et conséquemment, en proposant au Ministre l’achat des armes de modèles abandonnés pour les transformer en armes du système Chassepot, car ces Messieurs n’avaient évidemment en vue que le fusil à aiguille qui allait être expérimenté au Camp de Châlons.
21 juillet 1866 : Le Ministre répond à Mr Cahen-Lyon et Cie.
« Cette demande rentrant dans les vues actuelles du gouvernement qui a intérêt à se défaire des armes hors d’usage, je suis disposé à l’accueillir favorablement et à vous faire livrer à charge de remboursement les fusils dont vous aurez besoin pour satisfaire à vos commandes. Quant à leur transformation, elle ne pourrait s’effectuer qu’avec l’assentiment de Monsieur Chassepot qui a pris des brevets d’invention pour ses systèmes d’armes et avec lequel vous auriez à vous entendre à ce sujet ».
Observations : j’admets volontiers aujourd’hui que le Ministre, en écrivant cette lettre à Mr Cahen Lyon, n’ait eu en vue que le système de fusil se chargeant par la culasse présenté par moi le 3 novembre 1857, mais je prétends que le Ministre en écrivant la lettre ci-dessus à Cahen-Lyon et Cie, au moment même où la question d’armement était à la veille de trouver une solution, sans même préciser le modèle de transformation dont il s’agissait, sans me donner le moindre avis, se mettait par manque de prévoyance, à la merci d’un commerçant étranger à la fabrication des armes.
Cahen-Lyon et Cie ont bien compris cette faute commise par le Ministre, aussi ont-ils exploité cette situation à leur profit. Faut-il leur en faire le reproche, je ne le crois pas.
24 juillet 1866 : Mr Cahen-Lyon, gérant de la société Cahen-Lyon et Cie, muni de la lettre du Ministre portant la date du 21 juillet, vient à Châtellerault me proposer de traiter avec la société la cession de mon système de fusil à piston et de fusil à aiguille. Nous faisons alors ensemble un engagement de 6 mois.
Observations : Mr Cahen-Lyon vint effectivement me rendre visite à la MAC où j’étais alors occupé à la surveillance de la fabrication des 400 fusils à aiguille destinés au Camp de Châlons. Il me communiqua la lettre du Ministre du 21 juillet laquelle, disait-il, me reconnaissait toute latitude pour traiter ; tel fût aussi mon sentiment.
Je crus en effet que le Ministre s’inspirant des motifs qui l’avaient guidé en 1863 et 1865, n’avait eu en vue, comme alors, que de sauvegarder mes droits de propriété pour l’invention du fusil à aiguille que ni lui, ni d’autres jusqu’alors n’avaient songé à me contester, au contraire.
Sous la foi de cette croyance, je fis donc avec Mr Cahen-Lyon un engagement de six mois qu’il rédigea de sa main et pour lequel je lui faisais cession de mes systèmes d’invention de fusil à piston et de fusil à aiguille.
Il est à remarquer que dans cette circonstance Mr Cahen-Lyon fit preuve de plus de perspicacité que le Ministre de la Guerre, en désignant parfaitement les deux systèmes par leurs caractères distinctifs. Le même jour, Mr Cahen-Lyon, très pressé disait-il partait pour Paris me promettant de faire le nécessaire pour la prise des brevets.
25 juillet 1866 : A cette date, je reçus une lettre de Mr le Commandant Maldan, directeur de l’Atelier des modèles d’armes dont j’extrais le passage suivant :
« Vous recevrez probablement un monsieur Cahen que le Ministre a autorisé à traiter avec vous relativement à la transformation des armes à votre système. Réfléchissez-y ».
Observation : Il est à remarquer que dans cette lettre datée de Paris 24 juillet, il n’est question que de détails relatifs à mon arme à aiguille et que la visite de Mr Cahen ne songeait nullement au fusil à piston auquel il ne faisait pas la moindre illusion. Mr Cahen avait-il vu le commandant Maldan ou chez celui-ci avait-il eu connaissance de la lettre du 21 juillet au Ministre, c’est probable, toujours est-il que dans ce cas encore, rien n’indiquait qu’il s’agissait plutôt d’un système que d’un autre.
8 aout 1866 : Je prolonge sur la demande de Mr Cahen-Lyon et Cie l’engagement contracté le 24 juillet jusqu’au 31 aout 1867, le portant ainsi de 6 mois à un an.
9 aout 1866 : Arrivée au Camp de Châlons.
Dès cette époque Mrs Cahen Lyon faisaient déjà les démarches nécessaires pour la prise des brevets en France et à l’étranger. Leurs lettres du 9-13-14-17 et 18 aout et suivants, me pressant instamment pour l’envoi de documents qui leur étaient nécessaires à ce sujet le prouvent surabondamment.
Je leur fournis dans ce but tous les renseignements qu’ils me demandaient, notamment la nouvelle de l’adoption de mon arme par la Commission supérieure du camp de Châlons, considérant cette manière de procéder comma la conséquence logique et naturelle de la faculté que le Ministre m’avait accordée le 21 juillet précédent, doublée des engagements que j’avais contractés le 24 juillet et le 8 aout suivants.
Il est bon d’ajouter que la décision de la Commission supérieure, immédiatement connue dans tout le camp, était subordonnée à l’approbation du Ministère puis ( ?), à la sanction de l’Empereur.
Dans cet état de choses, il me paraissait également tout naturel d’engager Mr Cahen-Lyon et Cie à activer les démarches dont ils avaient pris l’initiative en ce qui concerne la prise des brevets afin de ne pas être personnellement la dupe d’industriels peu scrupuleux agissant plus promptement que ces messieurs.
20 aout 1866 : Retour du Camp de Châlons.
C’est à cette date que M. Cahen-Lyon et Cie me proposèrent de former une société pour l’exploitation des armes dont il était fait mention dans nos engagements antérieurs.
La suite provient de retranscriptions effectuées d'après les archives Chassepot conservées à Vincennes
Paris, 13 septembre 1866, Chassepot à Ministre :
A la suite des expériences du camp de Châlons et de l’adoption par le gouvernement français du fusil à aiguille que j’ai proposé, le public et les gouvernements étrangers se sont vivement préoccupés des résultats obtenus, aussi m’a-t-on adressé à différentes reprises des demandes d’échantillons, de cession de brevets ou de licences pour la fabrication de ce système d’arme en France ou à l’étranger.
Breveté en France dès 1857 pour la première arme que j’ai proposée, j’ai pris des brevets à l’étranger avec l’assentiment de l’administration de la guerre à laquelle j’offrais du reste, sans conditions, l’arme que je proposais. Cette manière de procéder m’a valu ultérieurement la bienveillance de Votre Excellence, qui n’adhérait aux demandes faites par les agents des puissances étrangères, qu’en subordonnant la livraison de mes armes à certaines conditions propres à garantir ma propriété. Les lettres relatives aux demandes des gouvernements prussien (4 juillet et 18 juillet 1863), danois (3 aout 1865) et portugais (24 mai 1865) attestent mon droit de propriété et me reconnaissant implicitement le droit de traiter avec les agents de ces puissances.
Tout récemment, Mrs Cahen-Lyon et Cie ont adressé à Votre Excellence ma demande ayant pour but l’achat de modèles d’armes en service pour les transformer en armes de mon système. Votre Excellence a répondu à ces messieurs à la date du 21 juillet dernier que cette transformation ne pourrait s’effectuer qu’avec mon assentiment, ayant pris des brevets pour mes systèmes d’armes.
Mrs Cahen-Lyon et Cie sont en effet venu me trouver, munis de la réponse qui leur a été faite ; leurs propositions m’ont paru honnêtes et acceptables, néanmoins j’y mettais cette réserve qu’avant de traiter définitivement avec eux à ce sujet, je voulais demander conseil à l’administration de la guerre et prévenir ainsi toute cause de conflit que pourrait faire naître ma position d’employé du gouvernement.
Dans ce but, je me suis adressé à Mr le général directeur de l’artillerie, au Ministre de la guerre ainsi qu’à Mr le colonel, chef du bureau du matériel. Après avoir exposé à ces messieurs le but de ma visite, et leur avoir donné des raisons indiquées plus haut, j’ai ajouté qu’en principe, le secret de mon arme et des résultats obtenus, étant une chose illusoire, après les expériences faites au camp de Châlons, en présence d’officiers étrangers et de rédacteurs de la presse, il me paraissait équitable après dix ans de travaux et de sacrifices de toute nature, de me laisser bénéficier du fruit de l’exploitation de mes armes, en appuyant sur le fait, que faute par moi de le faire, il ne manquerait pas de personnes prêtes à exploiter cette situation au détriment de mes intérêts et contre lesquelles l’administration de la guerre ne pourrait avoir aucun recours, qu’enfin, pour me prémunir contre de pareilles spoliations, j’étais en voie de contracter avec Mrs Cahen-Lyon et Cie, qui m’avaient été adressés officiellement par Votre Excellence, un acte de société pour l’exploitation de mes armes, dans lequel « il serait bien expliqué par les parties, qu’elles n’entendent nullement comprendre dans la présente société mes relations personnelles avec le gouvernement français, au sujet de l’armement de ses troupes de terre et de mer, non plus que tout traité, marché ou conventions que je pourrais avoir fait avec l’Etat français pour les dites troupes et armées, lesquelles relations, traités, marchés et conventions restent en dehors des présents et sont l’affaire personnelle de Mr Chassepot ».
Mr le général directeur de l’artillerie et le colonel chef du bureau du matériel, admettant la justesse de mes observations et ne m’ayant fait aucune objection qui fut de nature à changer mes engagements avec Mrs Cahen-Lyon, j’ai accepté définitivement les offres de ces messieurs et consenti à la publication légale de notre acte de Société.
Après avoir développé les différentes phases de la question, je résume ma lettre en faisant observer respectueusement à Votre Excellence : que la société qui vient de se forme n’a d’autre but que celui de s’occuper de l’exploitation de mes armes, en ce qui concerne le public et les puissances étrangères, en se conformant aux lois et règlements en vigueur et sans pouvoir intervenir en aucune façon, dans ce que l’administration de la guerre a fait ou fera ultérieurement en France, pour son usage personnel.
En portant à la connaissance de Votre Excellence les faits indiqués ci-dessus, mon intention est de lever toute incertitude au sujet d’une question intéressant à juste titre l’administration de la guerre ; aussi, accueillerai-je avec reconnaissance quelques conseils qui, avec la bienveillance de Votre Excellence, ne peuvent qu’être favorables à mes intérêts, tout en mettant à l’abri de tout reproche dans l’exercice de mes fonctions.
Signé Alphonse Chassepot.
3 octobre 1866, Ministère (Susane, René, Frachon, de Brives, Bonnel de Lonchamps, Bertout) :
Résumé de la conférence tenue dans le cabinet du général directeur de l’artillerie. Sont présents le général Susane, directeur, les colonels René et Frachon, le commandant de Brives, Bonnet de Lonchamps avoué du Ministre et Bertout, avocat.
Mr le Général Susane expose d’abord que, en 1857, Mr Chassepot alors ouvrier au DC a pris un brevet pour un fusil à percussion se chargeant par la culasse avec obturateur en caoutchouc. Bien que l’autorisation de prendre ce brevet n’ait pas été donnée officiellement, elle a été reconnue implicitement par des dépêches des 18 juillet 1863, 8 avril et 24 mai 1865, par lesquelles le Ministre, en accueillant favorablement des demandes de l’arme brevetée faites par des gouvernements étrangers, faisait des réserves pour sauvegarder la propriété du brevet de Mr Chassepot à l’étranger.
Passant ensuite au fusil à aiguille, Mr le général fait observer qu’en 1863, Chassepot alors contrôleur à la commission permanente de tir, a présenté un premier fusil à aiguille qui a dû être modifié et perfectionné sous la direction du général directeur du Comité de l’artillerie et d’après les conseils d’officiers du DC et de la Commission permanente de tir. C’est ce fusil ainsi remanié, pour lequel Chassepot a pris un brevet au mois d’août dernier et qui a été adopté le 30 août par l’Empereur pour l’armement des troupes, à la condition qu’il lui serait apporté de nouvelles améliorations.
Mr le général donne ensuite lecture du mémoire descriptif qui accompagne la demande de brevet. Après avoir fait remarquer que le mémoire ne fait mention de de l’obturation du tonnerre, du mécanisme de l’arme et de la cartouche, mais nullement du canon, de la monture, etc, que de plus les modifications demandées à diverses parties de l’arme ont été appropriées depuis son adoption, Mr le général désire savoir si, avec ce mémoire descriptif en main, la maison Cahen-Lyon qui s’est formée pour l’exploitation des brevets Chassepot, a le droit de s’opposer à la fabrication pour le compte de l’Etat, des pièces non décrites dans ce document. Tous les membres sont d’avis que ce point n’existe pas.
Mr le général, examinant ensuite la question relative à cette société fait connaître d’abord que le 17 juillet dernier, MM Cahen Lyon et Cie ont sollicité la cession d’armes des modèles anciens et abandonnés pour les transformer par le système Chassepot en fusils se chargeant par la culasse et qu’il leur a été répondu le 21 juillet que la transformation ne pourrait se faire sans l’assentiment de Mr Chassepot qu’était breveté. Tout porte à croire que c’est après la réception de la dépêche du 21 juillet que les bases d’un arrangement entre Cahen Lyon et Chassepot ont été posées, arrangement qui a été définitif et enregistré le 27 août tandis que l’adoption n’est que du 30. Mr le général fait observer qu’au 21 juillet, il n’y avait de brevet que pour l’arme à percussion et que l’on ne pensait pas que Mr Chassepot prendrait un brevet pour l’arme à aiguille.
Le colonel Frachon dit qu’il avait prévenu depuis longtemps ce contrôleur que, en sa qualité d’employé militaire il ne pouvait prendre de brevet dans une autorisation spéciale du Ministre.
Mr le général ajoute que Chassepot est venu l’informer vers la fin du mois d’août de ses projets d’arrangement et que, tout en reconnaissant les droits de cet employé à sauvegarder sa propriété, il l’avait engagé à ne pas oublier sa position d’employé militaire et à se munir d’une autorisation officielle.
C’est seulement le 13 septembre, alors que le traité était signé et enregistré depuis 15 jours, que Mr Chassepot a écrit au Ministre une lettre dans laquelle il rend compte de la manière dont il a été amené à former sa société.
Mr le général, après avoir fait ressortir ces différences de date, donne lecture d’un article de l’acte de société, article qui a été fourni par MM Cahen Lyon et dans lequel il est dit que les parties n’entendent nullement « comprendre dans la présente société les relations de Mr Chassepot avec l’Etat français au sujet de ses troupes de terre et de mer, ainsi que tous traités, marchés et conventions qu’il pourrait avoir fait avec l’Etat français pour les dites troupes et armées, lesquels relation, traités, marchés et conventions restent en dehors des présentes et sont l’affaire personnelle de Mr Chassepot à ses risques, périls et fortune ».
Mr Bonnel de Lonchamps pense que cet article ne garantit pas suffisamment les droits de l’Etat, s’il n’existe pas de convention écrite.
Mr Bertout est d’avis, au contraire, que cet article est suffisant pour que l’Etat puisse fabriquer dans les conditions où il l’entendra.
Mr le général donne alors lecture de la lettre du 13 septembre de Chassepot dans laquelle celui-ci déclare que la société ne pourra « intervenir, en aucune façon, dans ce que l’administration de la guerre a fait ou fera ultérieurement en France pour son usage personnel ».
Le colonel René dit que néanmoins Chassepot en réponse à une demande qui lui avait été adressée pour savoir si la compagnie prétendrait s’opposer à la fabrication de pièces d’armes dans le commerce, lui aurait affirmé que telle était l’intention de la compagnie.
Le général Susane cite une réponse analogue qui lui aurait été faite par Cahen Lyon à la suite d’une semblable demande.
Après ces explications, le général prend l’avis des membres de la conférence pour savoir si dans la situation actuelle des choses, l’Etat a le droit de faire fabriquer dans l’industrie, des armes ou pièces d’armes du modèle adopté.
Tous les membres sont d’accord pour admettre que l’Etat a le droit de faire des commandes d’armes, de pièces d’armes de ce modèle pour l’armement de ses troupes, tant dans les manufactures que dans le commerce et pour déclarer que, dans le cas où la société Cahen Lyon ferait opposition à la fabrication dans l’industrie, il y aurait lieu de demander la nullité du brevet, en ce qui regarde la fabrication des armes pour les besoins de l’Etat, conformément à la jurisprudence admise par les tribunaux et notamment par les arrêts de la Cour de Parisdes 27 décembre 1833 et 12 juillet 1855 et dans celui de la Cour d’Amiens du 25 avril 1866.
Les membres de la conférence sont en outre d’avis à l’unanimité qu’une commande de certaines pièces d’armes du modèle adopté, indiquées dans le brevet, soit faite à l’industrie privée, afin de mettre la société Cahen Lyon en demande de se prononcer.
Propositions soumises à l’Empereur dans la note du 4 octobre 1866 (Ministère):
1/ annuler les brevets Chassepot si la Cie Cahen Lyon n’accepte pas les nouvelles conditions qui lui sont offertes.
2/ créer à Bourges un outillage spécial pour la fabrication de la baïonnette
3/ acquérir l’outillage Box
4/ placer ce matériel à Mutzig qui doit être supprimée comme établissement de l’Etat, en le cédant aux propriétaires de l’usine, à la condition qu’ils s’engagent à fournir un certain nombre d’armes dans des délais déterminés.
6 octobre 1866, Note pour le Directeur de l’artillerie :
J’ai pris connaissance du résumé de la conférence tenue le 3 octobre 1866 dans le cabinet du général directeur de l’artillerie au sujet des brevets pris par Chassepot pour un modèle de fusil à aiguille et cédés à Cahen Lyon et Cie.
Cette conférence n’a pas abordé l’objet principal pour l’étude duquel elle avait été convoquée.
Il ne s’agit pas seulement de savoir quelle différence existait entre les brevets de 1857 et ceux de 1866, ni quelle valeur pouvait avoir, soit la reconnaissance implicite du droit à brevet résultant de la correspondance du département de la guerre, soit les réserves consenties plus ou moins catégoriquement par Mr Chassepot et ses ayant cause au profit de l’Etat pour la fabrication des armes de guerre du nouveau modèle, soit dans les établissements publics, soit par l’entremise de l’industrie privée.
Les questions que je me proposais de faire examiner étaient plus générales et plus absolues.
Elles se soulèvent à propose de l’affirmation suivante :
Les brevets Chassepot ne sont pas valables et le département de la guerre doit en poursuivre l’annulation par les voies du droit :
1/ parce que l’invention que couvrent ces brevets n’est pas propre à Chassepot et qu’elle est le résultat d’un travail collectif auquel les officiers du DC et la commission de tir ont pris une part personnelle et directe
2 parce que, dès avant la concession des brevets, l’invention du fusil à aiguille était déjà vulgarisée, ne fut-ce que par les expériences auxquelles ce fusil avait donné lieu, expériences qui ont eu un caractère incontestable de publicité.
3/ parce que Chassepot, en sa qualité de contrôleur d’armes, attaché aux MA, était un employé auquel il n’était pas permis de s’approprier une invention faite pour le compte de son mandant et dans l’exercice de ses fonctions.
Ces prémisses étant admises, ne convient-il pas que l’Etat prenne l’initiative de l’annulation du brevet Chassepot par la voie judiciaire, non seulement à son point de vue particulier, mais d’une manière générale et à un point de vue absolu.
Enfin, quelle procédure doit être suivie pour poursuivre et obtenir cette annulation ?
Je désire que la question soit reprise et examinée sous les rapports que la présente note a pour objet de préciser.
9 octobre 1866, Ministère :
Conformément aux ordres de Son Excellence le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics chargé par intérim du département de la guerre, une nouvelle conférence a été tenue le 9 octobre dans le cabinet du général directeur de l’artillerie pour examiner diverses questions relatives aux brevets pris par Chassepot pour un modèle de fusil à aiguille.
Etaient présents : Général Susane, colonels René et Frachon, Cdt de Brives, Dunoyer et Bonnel de Lonchamps avoué du Ministre de la Guerre et Bertout, avocat.
Les armes du système Chassepot se distinguent spécialement des autres armes se chargeant par la culasse par le mode d’obturation du tonnerre, mode qui consiste dans l’emploi d’une rondelle en caoutchouc portée par une tête mobile.
Ce mode d’obturation se retrouve dans le fusil présenté en 1857 aussi bien que dans le fusil à aiguille récemment adopté.
Le brevet d’invention de 1857 peut donc être opposé aux fabricants qui voudraient fabriquer des fusils Mle 1866 aussi bien que le brevet de 1866, tel est le motif qui a amené à examiner dans la conférence du 3 octobre les deux brevets pris par Chassepot.
Ouvrier des MA immatriculé en 1851 ? Chassepot était en 1857 à l’époque où il a pris son premier brevet au service de l’Etat et d’après la jurisprudence admise par les tribunaux, il ne pouvait opposer son brevet à l’Etat qui, d’ailleurs, l’a récompensé en le nommant contrôleur d’armes de 2e classe en 1858 et de 1ère classe en 1861.
La propriété de l’arme brevetée en 1857 n’a donc jamais été contestée à l’Etat, et cette propriété était si bien reconnue que seul l’Etat a été en cause dans le procès soutenu par Manceaux au sujet de cette arme.
Il faut remarquer d’ailleurs qu’en 1857 la fabrication des armes de guerre était prohibée en France et que le brevet pris à cette époque ne pouvait avoir d’effet qu’en ce qui concerne l’application aux armes de commerce du système de chargement par la culasse qui y est décrit.
En 1863, Chassepot a présenté un fusil à aiguille différant du fusil prussien par des changements apportés au mécanisme de la culasse et par l’application du système d’obturation breveté en 1857.
C’est ce fusil qui a servi de base aux études ordonnées par Sa Majesté l’Empereur et par Son Excellence le Ministre de la guerre, études auxquelles ont concouru, sous la direction du général de division, président du Comité de l’artillerie, les officiers attachés au service des armes au DC, la commission permanente de tir et Chassepot.
Ces études ont amené au mois de février 1866 au type de l’arme mise en essai au camp de Châlons. Cette arme est donc le résultat d’études collectives faites par ordre du ministre aux frais de l’Etat et par conséquent, le brevet pris en 1866 par Chassepot ne saurait être opposé au département de la guerre.
Chassepot a d’ailleurs été récompensé de ses études par sa nomination en 1864 au grade de contrôleur principal d’armes, il vient, en outre, d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur.
Il y a lieu de faire observer, toutefois, que la situation n’est pas la même qu’en 1857, la loi du 14 juillet 1860 ayant rendu libre la fabrication pour le commerce d’exportation, des armes de guerre de toute espèce. Or, il y a intérêt pour l’Etat à ce que l’emploi des armes du nouveau modèle soit, autant que possible, exclusivement réservé à l’arme française et que des entraves soient apportées à la fabrication de ces armes par l’industrie privée. A ce point de vue, les brevets pris par Chassepot en France et à l’étranger ne présentent que des avantages et il serait fâcheux que l’annulation en fût poursuivie d’une manière générale et absolue.
MM Cahen Lyon et Cie ont, du reste, déclaré verbalement le 5 octobre au général directeur du service de l’artillerie, qu’ils n’avaient jamais entendu contester à l’Etat le droit de faire fabriquer des pièces d’armes du modèle dont il s’agit dans l’industrie privée.
En résumé, la conférence est d’avis à l’unanimité :
1/ que l’Etat a le droit absolu de faire fabriquer des armes et pièces d’armes du modèle 1866 par tous les moyens qu’il lui conviendra, c’est-à-dire dans les MA et dans l’industrie privée, en France et à l’étranger, sans que les brevets pris par Chassepot puissent lui être opposés.
2/ qu’il convient d’inviter la société Cahen Lyon à reconnaître ce droit par une déclaration écrite et que dans le cas où cette société ne répondrait pas à cette légitime demande, il y aurait lei d’en appeler aux tribunaux pour faire prononcer la nullité, vis-à-vis de l’Etat des brevets pris par Chassepot en 1867 et 1866, ces brevets conservant d’ailleurs leur validité en ce qui concerne l’industrie privée. Dans ce dernier cas, une mise en demeure motivant le droit de l’Etat et contenant sommation, par acte extrajudiciaire, d’avoir à reconnaitre ces droits, serait notifiée à la société avec déclaration que, faute d’avoir à y satisfaire dans le délai de 3 jours, il serait procédé par voie de demande principale devant les tribunaux compétents.
12 octobre 1866, Note confidentielle pour Son Excellence le maréchal Randon, ministre de la guerre :
Annulation des brevets : l’Empereur a jugé qu’il y aurait lieu de déférer à la justice les brevets Chassepot pour en faire prononcer l’annulation, dans le cas ou il n’aurait pas été possible de prendre, avec la compagnie qui est devenue acquéreur de ces brevets, des arrangements de nature à les faire tourner à l’avantage de l’Etat en les opposant à la fabrication étrangère.
Il y avait ainsi un intérêt de principe procédant de la situation hiérarchique de Chassepot, et un avantage réel puisque ces brevets, tant qu’ils subsisteront et malgré toute tolérance ou déclaration contraire de leurs possesseurs, menaceront les fabrications de l’Etat.
Pour être prêts à agir aussitôt que les négociations avec Cahen Lyon auraient définitivement échoué, il convenait, en même temps que ces négociations se poursuivaient, de préparer la procédure à suivre pour arriver à l’annulation.
J’ai ordonné dans ce but, qu’une conférence aurait lieu entre les officiers attachés à la direction de l’artillerie et les hommes de loi qui forment le consul du contentieux du département de la guerre. Cette conférence devait examiner la valeur des brevets Chassepot non seulement vis à vis du gouvernement mais encore vis à vis des tiers et rechercher les points par où ils étaient susceptible d’être attaqués.
Cette première conférence a eu lieu le 3 octobre, le résultat en est consigné dans la pièce n°1 jointe à cette note.
Dans cette première réunion la conférence n’a pas abordé les véritables questions sur lesquelles j’avais appelé son examen.
La pièce ci-jointe n°2 fait connaître les points sur lesquels la délibération dont il s’agit m’a paru incomplète et insuffisante.
En conséquence des nouvelles instructions contenues dans cette note, la conférence s’est réunie une seconde fois à la date du 9 octobre.
La pièce n°3 fait connaître les résultats de cette seconde délibération. Mais pas plus la seconde fois que la première la conférence n’a abordé les véritables questions que j’avais cru devoir poser.
La direction de l’artillerie a fait selon moi une faute considérable en admettant plus ou moins directement Chassepot à prendre des brevets et en acceptant la valeur. Elle ne veut à aucun prix reconnaître cette faute et elle s’efforce de la pallier et d’en atténuer les conséquences en déplaçant la question et en faisant une distinction entre la virtualité de ces brevets vis à vis de l’Etat, et vis à vis de la fabrication privée. Elle s’efforce d’établir que dans le premier cas les brevets seraient sans valeur et qu’ils devraient au contraire être respectés dans le second.
Cette distinction est pleine de dangers, elle me semble, quant à moi, aussi inexacte qu’arbitraire.
J’estime que les brevets Chassepot sont nuls pour tout le monde ou valables contre toute le monde et j’aurais sans nul doute insisté pour l’exécution complète de mes instructions, tant toutes les oppositions soit de la part des personnes, soit de la part des corps, si j’eusse agi dans la plénitude de mon autorité.
En qualité de simple intermédiaire, j’ai cru devoir ne pas pousser l’affaire plus avant et laisser à son Excellence le maréchal Randon le soin de décider la ligne de conduite à suivre.
12 octobre 1866, Note confidentielle pour le maréchal Randon :
Marché à passer avec la Cie Cahen Lyon : Le Maréchal sait que Chassepot a pris, de l’aveu de l’administration de la guerre, tant en France qu’à l’étranger, des brevets d’invention pour le fusil à aiguille et à obturateur en caoutchouc, tel ou à peu près qu’il a été adopté en août dernier pour l’armement des troupes françaises. Ces brevets portent une date qui précède de quelques jours seulement cette adoption. Ultérieurement Chassepot a cédé ses brevets à la maison cahen Lyon qui en est aujourd’hui détenteur et qui négocie pour leur exploitation avec divers gouvernements étrangers.
Il avait été reconnu dans un conseil des ministres présidé par l’Empereur que l’annulation des brevets Chassepot devait être poursuivie par les voies du droit en s’appuyant sur des motifs qu’il est inutile d’énumérer.
Toutefois, il a été reconnu d’autre part que l’Etat pourrait avoir avantage à laisser subsister ces brevets à la double condition que la Cie renoncerait à en faire usage pendant trois, et se prêterait à les opposer à toute fabrication autre que celle entreprise pour le compte du gouvernement français. Il avait été décidé que, en échange de cette concession, il pourrait être fait à la Cie jusqu’à concurrence de 400 000 fusils, une commande livrable à prix ferme, pour une époque et sous des contrôles déterminés.
Les premières ouvertures faites à la Cie en conséquence de cette décision, ont amené de sa part des propositions tout à fait inacceptables et qui ont été repoussées. Il s’agissait dans ces propositions d’une fourniture de 1 200 000 armes livrables sans garantie directe de la part des fournisseurs et moyennant un droit de poinçonnage très élevé et destiné à rémunérer leur entremise.
Par suite de nouvelles négociations, la Cie s’est réduite à des termes plus raisonnables. Il ne s’agirait plus aujourd’hui que d’une fourniture de 200 000 fusils livrables à des conditions générales qui se rapprochent de celles qui lui avaient été d’abord posées. Toutefois, il resterait encore à s’entendre sur le prix des armes et surtout sur les conditions d’existence des brevets et de l’usage à en faire dans l’intérêt de l’Etat.
Ces dernières négociations sembleraient de nature à aboutir. Mais sur ces entrefaites, l’Empereur a manifesté l’intention de ne commander à Cahen que les crosses et les canons pour lesquels ils ne sont en possession d’aucun privilège et de réserver à l’Etat la fabrication des mécanismes lesquels sont précisément l’objet du brevet Chassepot et constituent par conséquent la raison d’être de l’entreprise Cahen Lyon.
Cette difficulté ne paraît pas insoluble car Cahen et Lyon acceptent de faire fabriquer ces mécanismes sous le contrôle direct de l’Etat et dans les ateliers mêmes où la direction de l’artillerie fait fabriquer ceux de ces mécanismes qui sont destinés aux armes qu’elle produit directement.
Telle est la situation actuelle de l’affaire qui concerne la commande à l’industrie privée des fusils Chassepot. Au point où cette affaire a été conduite, il appartient au Maréchal de décider si elle sera menée plus avant, dans quelles conditions et dans quelle mesure. Je me borne à lui faire savoir que les pourparlers avec la maison Cahen n’ont rien engagé et que la table est absolument rase pour le parti à adopter.
Je rappellerai que dans le cas où les négociations dont il s’agit n’aboutiraient pas, soit par la volonté du Ministre, soit par celle des fournisseurs, il y aura lieu de reprendre de suite la question de l’annulation des brevets. La situation des choses, en ce qui concerne cette question sera l’objet d’une note spéciale.
Décembre 1866 : Conflit entre Chassepot et le ministre de la Guerre relatif à la fabrication du fusil Mle 1866 (A monsieur le général Guiod, membre du Comité d’artillerie) :
Paris, le 12 décembre 1866, Chassepot à général ? :
Les pourparlers qui ont eu lieu entre le Ministère de la guerre et la Société Cahen Lyon et Cie à laquelle j’ai fait la cession de mes brevets de 1857 et 1866 ont irrité l’administration au point de m’attribuer des faits ou des procédés contraires à mes devoirs et peu dignes de ma position d’employé du gouvernement.
Je ne saurais accepter de tels reproches qui, bien que ne m’ayant pas été adressés directement, ont néanmoins eu assez de retentissement pour me mettre dans la nécessité d’y répondre, si cela devenait nécessaire, mais avant de prendre cette détermination, je viens mon général soumettre à votre jugement éclairé les faits accomplis, et, confiant dans votre impartialité, j’aime à croire qu’après avoir examiné la question, vous voudrez bien vous charger auprès de Son Excellence le maréchal Ministre de la guerre ainsi qu’auprès du général directeur de l’artillerie, du soin de ma réhabilitation que je vous confie.
Avant d’arriver aux causes du conflit, il me paraît utile de vous retracer sommairement ce qui a été fait depuis l’origine de ma première proposition.
Dans le mémoire que j’ai eu l’honneur d’adresser au Ministre à ce sujet, le 3 novembre 1857, je disais « Enfin, les résultats obtenus me mirent dans l’obligation pour ne pas être devancé par d’autres et perdre le fruit de mon travail, de m’en assurer la propriété par la prise d’un brevet, avec l’intention bien arrêtée de n’en faire usage qu’envers le public. Quant à l’Etat, je lui donne entièrement mon invention, et si elle peut lui être utile, je me trouverai heureux d’avoir pu y contribuer par mon travail dans la carrière que j’ai entreprise ».
Ce brevet, pris en France et dans les puissances étrangères avec le consentement verbal du général directeur de l’artillerie au ministre de la guerre, ne donne lieu à aucune contestation de la part de l’administration, bien que cependant il ait été pris par moi au moment où j’étais lié au service et détaché à l’atelier des modèles d’armes. La validité de ce brevet et les droits qu’il confère me furent au contraire affirmés, étant employé de l’Etat, par les lettres que S.E. le ministre de la guerre m’a adressées en réponse aux demandes d’armes qui lui avaient été faites par quelques agents des puissances étrangères (voir lettres n°1, 2 et 3).
J’arrive maintenant à l’arme Mle 1866 qui fait suite à ma première proposition et qui a été adoptée le 30 août dernier.
Comme en 1857, mon intention a été d’abandonner à l’Etat l’arme que je proposais mais cet abandon que je faisais avec tout le désintéressement que comportait ma position d’employé du gouvernement, n’avait pas de raison d’être à l’égard de l’industrie et des gouvernements étrangers. Je me proposais donc de suivre pour cette arme la voie que j’avais suivie sans inconvénient en 1857 c’et-à-dire d’en prendre les brevets, avec l’intention de ne les faire valoir que dans l’industrie et à l’étranger ; mais sachant par expérience les frais que j’avais faits pour la prise de mes brevets en 1857, je crus plus sage d’attendre le résultat des expériences qui allaient avoir lieu au camp de Châlons pour donner suite, s’il y avait lieu , à mes projets.
Sur ces entrefaits, je reçus à la MAC le 24 juillet 1866 la visite de Cahen Lyon munis d’une lettre du général Susane, d’après laquelle ces messieurs ne pouvaient effectuer la transformation des armes qu’ils avaient demandées au Ministre, qu’avec mon assentiment et en s’entendant avec moi à ce sujet, ayant pris des brevets d’invention pour mes systèmes d’armes (voir lettres N°4).
Mr Cahen Lyon me proposèrent un traité dont les conditions furent débattues et que j’acceptais sans hésitation en présence d’une lettre officielle m’en accordant implicitement l’autorisation et ne spécifiant pas mon arme à percussion plutôt que celle à aiguille. Par ce premier engagement, daté du 24 juillet 1866, je cédais à ces messieurs pour une durée de six mois et moyennant une redevance déterminée par arme, le droit de transformer d’anciennes armes ou d’en fabriquer de nouvelles d’après mes systèmes, ce qui impliquait naturellement la prise des brevets de l’arme à aiguille dont ces messieurs me proposaient de payer du reste tous les frais (voir lettre N°5).
Cet engagement fut prolongé le 8 août suivant sur la demande de ces messieurs jusqu’au 31 août 1857 (voir lettre N°6).
Je dois ajouter ici, que sans la lettre du général Susane, je n’aurais pas plus traité avec ces messieurs qu’avec Mr Dorgeon qui me demandait le 22 mai 1865, 5 fusils d’infanterie Mle 1857 transformés en armes de mon premier système pour être expédiées au Japon, et qui, sur l’avis du général Le Bœuf et des colonels de Ménibus et René, que j’avais consultés ne furent pas transformés.
A partir du 8 août, Cahen Lyon firent les démarches nécessaires pour la prise des brevets français et étrangers et me demandèrent dans ce but, comme une chose indispensable, quelques armes que j’ai demandées au directeur de la MAC, à charge de remboursement, et que j’ai ensuite remises à ces messieurs qui en ont disposé à leur gré.
Le brevet français fut pris à la date du 27 août 1866 et assura ainsi à ces messieurs les droits que je m’étais cru autorisés à leur céder par anticipation le 24 juillet précédent.
Les choses en étaient à ce point lorsque Cahen Lyon me proposèrent de constituer une société pour l’exploitation des brevets dans laquelle je ne figurerais qu’au titre d’intéressé dans les bénéfices de leur exploitation.
J’accueillis ces dernières propositions avec plus de réserve en faisant observer à ces messieurs que j’avais abandonné à l’Etat l’arme qui avait alors des chances d’être adoptée, et que si leurs intentions étaient d’intervenir dans la fabrication de l’Etat je ne pourrais accepter leur offre. Cette condition à laquelle je tenais essentiellement fut acceptée spontanément et de suite on s’occupa de rédiger un projet de société dans lequel il fut spécifié « par les parties, qu’elles n’entendent nullement comprendre dans la présente société les relations de Mr Chassepot avec l’Etat français au sujet de ses troupes et armées de terre et de mer, ainsi que tous les traités, marchés ou conventions qu’il pourrait avoir faits avec l’Etat français pour les dites troupes et armées, lesquelles relations, traités, marchés et conventions restent en dehors des présentes et sont l’affaire personnelle de Mr Chassepot, à ses risque, périls et fortune ». Cet acte signé le 20 août 1866 et pouvant être modifié dans le délai de quinze jours accordé pour en faire la publication légale, je crus bien faire, uniquement par déférence pour le général Susane, et non parce que je m’y croyais obligé, de l’informer ainsi que Mr Frachon des engagements que j’étais en voie de contracter et connaître leur opinion à ce sujet. Le général Susane et le colonel Frachon se conformant aux principes suivis jusqu’alors pour me garantir la propriété des armes que je proposais, les droits de l’Etat étant réservés, ne me firent aucune objection qui me mit dans l’obligation de modifier les engagements que j’avais contractés, aussi le 5 septembre suivant, publiait-on l’acte de société dans le Moniteur universel.
L’acte de société publié, certains journalises en parlèrent, d’autres ajoutèrent mon nom à la raison sociale. Ces bruits parvinrent à l’administration de la guerre, jetèrent une certaine inquiétude dans les esprits et me mirent dans la nécessité, sur les conseils du commandant Maldan, d’écrire au Ministre de la guerre à la date du 13 septembre, une lettre dans laquelle je lui exposais la situation et que je terminais en lui demandant quelques conseils sur la conduite que j’avais à tenir dans cette affaire ultérieurement (voir lettre N°7).
Cette lettre, à laquelle on ne m’a jamais répondu, fut remise par moi au général Susane qui, en ayant pris connaissance, ne me fit aucune objection, si ce n’est que de m’exprimer le déplaisir qu’il éprouvait de voir figurer mon nom dans la raison sociale qui venait de se former, ce qui était incompatible avec mes fonctions d’employé du gouvernement. Je rassurais complètement le général à ce sujet en lui indiquant la date du Moniteur dans lequel l’acte était publié et qu’il fit demander. Après l’avoir lu, le général fut satisfait de ne pas y voir figurer mon nom ; puis, il me fit part de l’intention qu’il avait de demander pour moi, à titre de récompense, une somme de 50 000 francs d’abord puis 50 000 autres francs prélevés sur 500 000 armes à raison de 10 centimes par arme.
Le colonel Colson me fit demander le 17 septembre suivant, je lui remis une copie de la lettre que j’avais remise au général Susane, il la lut attentivement et me parût très satisfait.
Jusque là je n’avais donc rencontré aucun esprit d’hostilité au sujet du traité passé avec Cahen Lyon ; malheureusement, et par un oubli bien involontaire de ma part, je n’avais pas prévenu l’administration de la guerre de la prise du brevet de l’arme qui venait d’être adoptée et qui avait eu lieu à la date du 27 août précédent, c’est-à-dire 5 jours avant son adoption définitive.
Cet oubli de ma part fut considéré par l’administration comme une surprise, que je déclare formellement ne pas avoir voulu lui faire et qui n’avait pas assurément de raison d’être, du moment que je donnais mon arme à l’Etat. Je suis même convaincu que sans les évènements qui survinrent plus tard, l’administration ne m’aurait jamais inquiété à ce sujet.
J’arrive maintenant aux circonstances qui sont la cause principale de l’irritation qui s’est produit au Ministère de la guerre.
Le 21 septembre je fus appelé à l’Inspection des MA, je rencontrais le colonel René, la commandant Maldan, le capitaine Bry et Mrs Gastine Renette Fils.
La conversation roula sur une commande d’armes Mle 1866 que l’on se proposait de donner à Gastine, et à ce sujet, on me demandait quelques renseignements techniques.
Je fus excessivement surpris de voir proposer, contrairement au principe en usage, une commande d’armes à l’industrie, et cela avec d’autant plus de raisons, qu’en donnant mon arme à l’Etat, j’avais toujours fait allusion à la fabrication de ses armes dans les manufactures impériales. Ma position devint d’autant plus difficile que la société qui venait de se former, avait traité dans cette prévision, et que par conséquent, j’avais à craindre de sa part une intervention dans la question.
Je déclarais alors nettement au colonel René pour qu’il n’ait aucune surprise, que je ne savais pas jusqu’à quel point Mr Gastinne, qui n’était aux yeux de la société qu’un industriel, aurait le droit de fabriquer, même pour l’Etat, des armes sans l’assentiment de la société. Et en effet, il ne me paraissait pas juste que l’administration de la guerre, changeant subitement le mode de fabrication admis, vînt donner à Mr Gastinne les bénéfices d’une exploitation dont la société avait le privilège dans l’industrie et dont elle payait les frais.
Ces observations étonnèrent le colonel René, mais la discussion ne se prolongea pas plus longtemps, devant partir le soir même pour Châtellerault.
Le 28 septembre je reçus du colonel René une lettre à ce sujet (voir lettre N°, je lui répondit le 3 octobre suivant la lettre N°9.
Ce que j’avais prévu arriva en effet, la Société intervient et les discussions entamées entre elle et le Ministre de la guerre atteignirent une gravité telle que je devais malgré moi en ressentir les effets.
Il ne m’appartient pas ici de rentrer dans les débats qui ont eu lieu à ce sujet et qui sont l’affaire personnelle de la société, mais ce que je puis affirmer et prouver au besoin, c’est que je n’ai jamais voulu sciemment sacrifier les intérêts de l’Etat à ceux de la société.
Grâce à l’influence que je me suis efforcé d’exercer sur ces messieurs, j’ai contribué à leur faire faire ma première déclaration datée du 15 octobre (voir lettre N°10) qui a été le premier pas fait vers celle du 24 octobre suivant, par laquelle la société, sur la promesse d’une commande de 200 000 armes, cédait à l’Etat le droit de faire fabriquer partout où bon lui semblera les armes du Mle 1866 destinées à l’armement de ses troupes de terre et de mer (voir lettre N°11).
Je joins au présent mémoire quelques pièces qui permettent de voir à quel point en est la discussion.
J’espère Général qu’après avoir examiné attentivement les différentes phases de la question, vous n’y trouverez rien qui soit de nature à porter atteinte à la considération que je me suis efforcé de mériter par des années de travail soutenu, employé à l’étude d’armes que j’offrais avec beaucoup de désintéressement à l’Etat malgré les peines et les sacrifices de toute nature que je me suis imposé.
Alphonse Chassepot.
Lettre N°1 :
Paris, le 18 juillet 1863, général de Bressoller à Chassepot, contrôleur 1ère classe à la MAC :
J’ai reçu votre lettre du 9 juillet dans laquelle vous me soumettiez vos observations sur la demande d’un modèle de votre fusil faite par le gouvernement prussien.
Je vous invite à fabriquer pour le chargé d’affaires de Prusse à Paris qui l’enverra à son gouvernement.
Un fusil d’infanterie de votre système avec accessoires et moules à balles.
Je fais connaître au chargé d’affaires que la remise de l’arme est subordonnée à certaines conditions propres à garantir votre propriété et que vous aurez l’honneur de lui indiquer.
N°2, le 3 avril 1865, général Susane à Chassepot, contrôleur principal au DC :
J’ai reçu votre lettre du 16 mars dans laquelle vous me soumettiez vos observations au sujet d’une arme de votre système qui doit être remise à titre gracieux au gouvernement danois. Etc.
N°3, le 24 mai 1865, général Susane à Chassepot :
Je vous préviens que le général directeur du Comité est invité à faire remettre au ministre du roi du Portugal qui en a fait la demande une arme de votre système avec moules à balles et accessoires. Etc.
N°4, 21 juillet 1866, Susane à Cahen Lyon :
Vous me faites connaître par votre lettre du 17 juillet que vous avez reçu de divers côtés des demandes de fusils se chargeant par la culasse et qu’avant de transmettre ces commandes à Liège et Birmingham, vous voudriez tenter de réserver ces fournitures à l’industrie française.
Vous demandez dans ce but si, en présence de la prévision d’un changement d’armement, le gouvernement consentirait à vous céder des armes des modèles abandonnés que vous feriez transformer en armes du système Chassepot.
Cette demande rentrant dans les vues actuelles du gouvernement, qui a intérêt à se défaire des armes hors d’usage, je suis disposé à l’accueillir favorablement et à vous faire livrer, à charge de remboursement, les fusils dont vous auriez besoin pour satisfaire à vos commandes.
Quant à leur transformation, elle ne pourrait s’effectuer qu’avec l’assentiment de Chassepot qui a pris des brevets d’invention pour ses systèmes d’armes, et avec lequel vous auriez à vous entendre à ce sujet.
Les armes qui pourraient dès à présent être mises à votre disposition sont :
Fusils à silex de service ou à réparer
Mousquetons de cavalerie et de lanciers, à percussion, de service ou à réparer
Fusils à percussion à canon lisse.
Etc.
N°8, le 28 septembre 1866, colonel René à Chassepot :
Dans les deux conversations que j’ai eus avec vous avant votre départ, je ne vous ai pas caché ma manière de voir à l’égard de votre position envers l’Etat. Vous savez que dans ma conviction, vous vous étiez toujours posé comme ne voulant gêner en rien l’Etat sans ses approvisionnements, quelque fut le procédé employé par l’Etat pour s’approvisionner.
Je suis plus que jamais ancré dans cette conviction et j’ai vu avec peine, par la déclaration que vous avez faite devant moi et Gastine, que vos idées s’étaient modifiées.
Je laisse à ceux qui ont la mission le soin de trancher cette question et je veux vous entretenir aujourd’hui d’une question de détail.
Vous savez mieux que moi que la marche du fusil Mle 1866 dépend pour une bonne partie de la parfaite exécution des pièces qui ont été faites chez Colmant. Mon intention est de continuer à faire faire par Colmant et son associé Barriquand les mêmes pièces pour une grande partie des armes qui seront fabriquées en 1866/1867 afin de permettre aux MA de s’outiller tranquillement, mais je ne veux prendre aucune détermination avant d’être bien certain que je ne trouverai pas votre société sur mon chemin pendant l’exécution. J’aime les positions nettement tranchées et je vous pris donc de me faire connaître de manière à ce que j’ai votre réponse lundi matin, si votre société élèvera des prétentions à l’occasion de la fabrication des pièces qui seraient exécuter chez Colmant ou autre dans les conditions qui viennent d’être faites les pièces pour les 500 armes d’essai. Etc.
Cahen-Lyon à Chassepot, 15 décembre 1866 :
Vous demandez l’emploi des 6 armes que nous vous avions demandées.
Vous avez que nous avons toujours fait voyager ces armes, accompagnées d’un de nos agents. Ces armes sont actuellement au dépôt entre les mains de nos propres agents avec défense expresse de s’en désaisir.
Nous les ferons revenir au besoin.
Vous nous avez remis successivement 6 armes du 15 août au 20 septembre.
Un de nos agents est parti dans le commencement de septembre présenter une arme en Suisse et en Autriche mais ne l’on pas laissé dans aucun de ces pays.
Nous avons remis :
2 armes à un agent parti aux Etats-Unis le 18 octobre
1 arme id en Egypte fin octobre
1 arme id au Pérou le 6 octobre
1 arme id en Belgique le 7 septembre
1 arme id en Italie le 12 septembre.
Maintenant si cela peut vous intéresser, en vue de la commande de 200 000 armes que l’Administration de la guerre avait l’intention de nous confier, le Ministre de la guerre nous a fait délivrer 4 armes avec permis d’exportation pour la Belgique, l’Angleterre et l’Espagne dans le but d’établir la fabrication dans ces différentes contrées. Ces armes sont dans les mains des fabricants et suivant l’autorisation qui nous a été accordée, nous ne les réintégrerons que vers la fin du mois. Etc.
Historique des faits principaux qui se sont passés entre l’Administration de la Guerre, Mr Cahen-Lyon et Cie et Mr Chassepot depuis le 11 juillet 1866 jusqu’au 18 avril 1867 date de la commande de 100 000 fusils Chassepot donnée à Mr Cahen-Lyon et Cie (écrit par Chassepot) :
17 juillet 1866 : « Mr Cahen-Lyon et Cie demandent au Ministre si en présence de la prévision d’un changement d’armement, le Gouvernement consentirait à leur céder des armes de modèles abandonnés, qu’ils feraient transformer en armes du système Chassepot ».
Il est important de remarquer :
1) Que cette demande était faite au Ministre pendant que l’on fabriquait à Châtellerault les 400 fusils à aiguille système Chassepot devant être expérimentés dès le 1er août suivant par la Commission supérieure nommé par le Ministre de la Guerre le 11 juillet précédent.
2) Que la presse, dès cette époque, entretenait le public de cette arme et des essais qu’allaient avoir lieu au Camp de Châlons, sans faire en aucune façon, allusion à une transformation des armes anciennes.
Or, Mr Cahen-Lyon et Cie ne pouvaient ignorer les faits ci-dessus rendus publics, et conséquemment, en proposant au Ministre l’achat des armes de modèles abandonnés pour les transformer en armes du système Chassepot, car ces Messieurs n’avaient évidemment en vue que le fusil à aiguille qui allait être expérimenté au Camp de Châlons.
21 juillet 1866 : Le Ministre répond à Mr Cahen-Lyon et Cie.
« Cette demande rentrant dans les vues actuelles du gouvernement qui a intérêt à se défaire des armes hors d’usage, je suis disposé à l’accueillir favorablement et à vous faire livrer à charge de remboursement les fusils dont vous aurez besoin pour satisfaire à vos commandes. Quant à leur transformation, elle ne pourrait s’effectuer qu’avec l’assentiment de Monsieur Chassepot qui a pris des brevets d’invention pour ses systèmes d’armes et avec lequel vous auriez à vous entendre à ce sujet ».
Observations : j’admets volontiers aujourd’hui que le Ministre, en écrivant cette lettre à Mr Cahen Lyon, n’ait eu en vue que le système de fusil se chargeant par la culasse présenté par moi le 3 novembre 1857, mais je prétends que le Ministre en écrivant la lettre ci-dessus à Cahen-Lyon et Cie, au moment même où la question d’armement était à la veille de trouver une solution, sans même préciser le modèle de transformation dont il s’agissait, sans me donner le moindre avis, se mettait par manque de prévoyance, à la merci d’un commerçant étranger à la fabrication des armes.
Cahen-Lyon et Cie ont bien compris cette faute commise par le Ministre, aussi ont-ils exploité cette situation à leur profit. Faut-il leur en faire le reproche, je ne le crois pas.
24 juillet 1866 : Mr Cahen-Lyon, gérant de la société Cahen-Lyon et Cie, muni de la lettre du Ministre portant la date du 21 juillet, vient à Châtellerault me proposer de traiter avec la société la cession de mon système de fusil à piston et de fusil à aiguille. Nous faisons alors ensemble un engagement de 6 mois.
Observations : Mr Cahen-Lyon vint effectivement me rendre visite à la MAC où j’étais alors occupé à la surveillance de la fabrication des 400 fusils à aiguille destinés au Camp de Châlons. Il me communiqua la lettre du Ministre du 21 juillet laquelle, disait-il, me reconnaissait toute latitude pour traiter ; tel fût aussi mon sentiment.
Je crus en effet que le Ministre s’inspirant des motifs qui l’avaient guidé en 1863 et 1865, n’avait eu en vue, comme alors, que de sauvegarder mes droits de propriété pour l’invention du fusil à aiguille que ni lui, ni d’autres jusqu’alors n’avaient songé à me contester, au contraire.
Sous la foi de cette croyance, je fis donc avec Mr Cahen-Lyon un engagement de six mois qu’il rédigea de sa main et pour lequel je lui faisais cession de mes systèmes d’invention de fusil à piston et de fusil à aiguille.
Il est à remarquer que dans cette circonstance Mr Cahen-Lyon fit preuve de plus de perspicacité que le Ministre de la Guerre, en désignant parfaitement les deux systèmes par leurs caractères distinctifs. Le même jour, Mr Cahen-Lyon, très pressé disait-il partait pour Paris me promettant de faire le nécessaire pour la prise des brevets.
25 juillet 1866 : A cette date, je reçus une lettre de Mr le Commandant Maldan, directeur de l’Atelier des modèles d’armes dont j’extrais le passage suivant :
« Vous recevrez probablement un monsieur Cahen que le Ministre a autorisé à traiter avec vous relativement à la transformation des armes à votre système. Réfléchissez-y ».
Observation : Il est à remarquer que dans cette lettre datée de Paris 24 juillet, il n’est question que de détails relatifs à mon arme à aiguille et que la visite de Mr Cahen ne songeait nullement au fusil à piston auquel il ne faisait pas la moindre illusion. Mr Cahen avait-il vu le commandant Maldan ou chez celui-ci avait-il eu connaissance de la lettre du 21 juillet au Ministre, c’est probable, toujours est-il que dans ce cas encore, rien n’indiquait qu’il s’agissait plutôt d’un système que d’un autre.
8 aout 1866 : Je prolonge sur la demande de Mr Cahen-Lyon et Cie l’engagement contracté le 24 juillet jusqu’au 31 aout 1867, le portant ainsi de 6 mois à un an.
9 aout 1866 : Arrivée au Camp de Châlons.
Dès cette époque Mrs Cahen Lyon faisaient déjà les démarches nécessaires pour la prise des brevets en France et à l’étranger. Leurs lettres du 9-13-14-17 et 18 aout et suivants, me pressant instamment pour l’envoi de documents qui leur étaient nécessaires à ce sujet le prouvent surabondamment.
Je leur fournis dans ce but tous les renseignements qu’ils me demandaient, notamment la nouvelle de l’adoption de mon arme par la Commission supérieure du camp de Châlons, considérant cette manière de procéder comma la conséquence logique et naturelle de la faculté que le Ministre m’avait accordée le 21 juillet précédent, doublée des engagements que j’avais contractés le 24 juillet et le 8 aout suivants.
Il est bon d’ajouter que la décision de la Commission supérieure, immédiatement connue dans tout le camp, était subordonnée à l’approbation du Ministère puis ( ?), à la sanction de l’Empereur.
Dans cet état de choses, il me paraissait également tout naturel d’engager Mr Cahen-Lyon et Cie à activer les démarches dont ils avaient pris l’initiative en ce qui concerne la prise des brevets afin de ne pas être personnellement la dupe d’industriels peu scrupuleux agissant plus promptement que ces messieurs.
20 aout 1866 : Retour du Camp de Châlons.
C’est à cette date que M. Cahen-Lyon et Cie me proposèrent de former une société pour l’exploitation des armes dont il était fait mention dans nos engagements antérieurs.
La suite provient de retranscriptions effectuées d'après les archives Chassepot conservées à Vincennes
Paris, 13 septembre 1866, Chassepot à Ministre :
A la suite des expériences du camp de Châlons et de l’adoption par le gouvernement français du fusil à aiguille que j’ai proposé, le public et les gouvernements étrangers se sont vivement préoccupés des résultats obtenus, aussi m’a-t-on adressé à différentes reprises des demandes d’échantillons, de cession de brevets ou de licences pour la fabrication de ce système d’arme en France ou à l’étranger.
Breveté en France dès 1857 pour la première arme que j’ai proposée, j’ai pris des brevets à l’étranger avec l’assentiment de l’administration de la guerre à laquelle j’offrais du reste, sans conditions, l’arme que je proposais. Cette manière de procéder m’a valu ultérieurement la bienveillance de Votre Excellence, qui n’adhérait aux demandes faites par les agents des puissances étrangères, qu’en subordonnant la livraison de mes armes à certaines conditions propres à garantir ma propriété. Les lettres relatives aux demandes des gouvernements prussien (4 juillet et 18 juillet 1863), danois (3 aout 1865) et portugais (24 mai 1865) attestent mon droit de propriété et me reconnaissant implicitement le droit de traiter avec les agents de ces puissances.
Tout récemment, Mrs Cahen-Lyon et Cie ont adressé à Votre Excellence ma demande ayant pour but l’achat de modèles d’armes en service pour les transformer en armes de mon système. Votre Excellence a répondu à ces messieurs à la date du 21 juillet dernier que cette transformation ne pourrait s’effectuer qu’avec mon assentiment, ayant pris des brevets pour mes systèmes d’armes.
Mrs Cahen-Lyon et Cie sont en effet venu me trouver, munis de la réponse qui leur a été faite ; leurs propositions m’ont paru honnêtes et acceptables, néanmoins j’y mettais cette réserve qu’avant de traiter définitivement avec eux à ce sujet, je voulais demander conseil à l’administration de la guerre et prévenir ainsi toute cause de conflit que pourrait faire naître ma position d’employé du gouvernement.
Dans ce but, je me suis adressé à Mr le général directeur de l’artillerie, au Ministre de la guerre ainsi qu’à Mr le colonel, chef du bureau du matériel. Après avoir exposé à ces messieurs le but de ma visite, et leur avoir donné des raisons indiquées plus haut, j’ai ajouté qu’en principe, le secret de mon arme et des résultats obtenus, étant une chose illusoire, après les expériences faites au camp de Châlons, en présence d’officiers étrangers et de rédacteurs de la presse, il me paraissait équitable après dix ans de travaux et de sacrifices de toute nature, de me laisser bénéficier du fruit de l’exploitation de mes armes, en appuyant sur le fait, que faute par moi de le faire, il ne manquerait pas de personnes prêtes à exploiter cette situation au détriment de mes intérêts et contre lesquelles l’administration de la guerre ne pourrait avoir aucun recours, qu’enfin, pour me prémunir contre de pareilles spoliations, j’étais en voie de contracter avec Mrs Cahen-Lyon et Cie, qui m’avaient été adressés officiellement par Votre Excellence, un acte de société pour l’exploitation de mes armes, dans lequel « il serait bien expliqué par les parties, qu’elles n’entendent nullement comprendre dans la présente société mes relations personnelles avec le gouvernement français, au sujet de l’armement de ses troupes de terre et de mer, non plus que tout traité, marché ou conventions que je pourrais avoir fait avec l’Etat français pour les dites troupes et armées, lesquelles relations, traités, marchés et conventions restent en dehors des présents et sont l’affaire personnelle de Mr Chassepot ».
Mr le général directeur de l’artillerie et le colonel chef du bureau du matériel, admettant la justesse de mes observations et ne m’ayant fait aucune objection qui fut de nature à changer mes engagements avec Mrs Cahen-Lyon, j’ai accepté définitivement les offres de ces messieurs et consenti à la publication légale de notre acte de Société.
Après avoir développé les différentes phases de la question, je résume ma lettre en faisant observer respectueusement à Votre Excellence : que la société qui vient de se forme n’a d’autre but que celui de s’occuper de l’exploitation de mes armes, en ce qui concerne le public et les puissances étrangères, en se conformant aux lois et règlements en vigueur et sans pouvoir intervenir en aucune façon, dans ce que l’administration de la guerre a fait ou fera ultérieurement en France, pour son usage personnel.
En portant à la connaissance de Votre Excellence les faits indiqués ci-dessus, mon intention est de lever toute incertitude au sujet d’une question intéressant à juste titre l’administration de la guerre ; aussi, accueillerai-je avec reconnaissance quelques conseils qui, avec la bienveillance de Votre Excellence, ne peuvent qu’être favorables à mes intérêts, tout en mettant à l’abri de tout reproche dans l’exercice de mes fonctions.
Signé Alphonse Chassepot.
3 octobre 1866, Ministère (Susane, René, Frachon, de Brives, Bonnel de Lonchamps, Bertout) :
Résumé de la conférence tenue dans le cabinet du général directeur de l’artillerie. Sont présents le général Susane, directeur, les colonels René et Frachon, le commandant de Brives, Bonnet de Lonchamps avoué du Ministre et Bertout, avocat.
Mr le Général Susane expose d’abord que, en 1857, Mr Chassepot alors ouvrier au DC a pris un brevet pour un fusil à percussion se chargeant par la culasse avec obturateur en caoutchouc. Bien que l’autorisation de prendre ce brevet n’ait pas été donnée officiellement, elle a été reconnue implicitement par des dépêches des 18 juillet 1863, 8 avril et 24 mai 1865, par lesquelles le Ministre, en accueillant favorablement des demandes de l’arme brevetée faites par des gouvernements étrangers, faisait des réserves pour sauvegarder la propriété du brevet de Mr Chassepot à l’étranger.
Passant ensuite au fusil à aiguille, Mr le général fait observer qu’en 1863, Chassepot alors contrôleur à la commission permanente de tir, a présenté un premier fusil à aiguille qui a dû être modifié et perfectionné sous la direction du général directeur du Comité de l’artillerie et d’après les conseils d’officiers du DC et de la Commission permanente de tir. C’est ce fusil ainsi remanié, pour lequel Chassepot a pris un brevet au mois d’août dernier et qui a été adopté le 30 août par l’Empereur pour l’armement des troupes, à la condition qu’il lui serait apporté de nouvelles améliorations.
Mr le général donne ensuite lecture du mémoire descriptif qui accompagne la demande de brevet. Après avoir fait remarquer que le mémoire ne fait mention de de l’obturation du tonnerre, du mécanisme de l’arme et de la cartouche, mais nullement du canon, de la monture, etc, que de plus les modifications demandées à diverses parties de l’arme ont été appropriées depuis son adoption, Mr le général désire savoir si, avec ce mémoire descriptif en main, la maison Cahen-Lyon qui s’est formée pour l’exploitation des brevets Chassepot, a le droit de s’opposer à la fabrication pour le compte de l’Etat, des pièces non décrites dans ce document. Tous les membres sont d’avis que ce point n’existe pas.
Mr le général, examinant ensuite la question relative à cette société fait connaître d’abord que le 17 juillet dernier, MM Cahen Lyon et Cie ont sollicité la cession d’armes des modèles anciens et abandonnés pour les transformer par le système Chassepot en fusils se chargeant par la culasse et qu’il leur a été répondu le 21 juillet que la transformation ne pourrait se faire sans l’assentiment de Mr Chassepot qu’était breveté. Tout porte à croire que c’est après la réception de la dépêche du 21 juillet que les bases d’un arrangement entre Cahen Lyon et Chassepot ont été posées, arrangement qui a été définitif et enregistré le 27 août tandis que l’adoption n’est que du 30. Mr le général fait observer qu’au 21 juillet, il n’y avait de brevet que pour l’arme à percussion et que l’on ne pensait pas que Mr Chassepot prendrait un brevet pour l’arme à aiguille.
Le colonel Frachon dit qu’il avait prévenu depuis longtemps ce contrôleur que, en sa qualité d’employé militaire il ne pouvait prendre de brevet dans une autorisation spéciale du Ministre.
Mr le général ajoute que Chassepot est venu l’informer vers la fin du mois d’août de ses projets d’arrangement et que, tout en reconnaissant les droits de cet employé à sauvegarder sa propriété, il l’avait engagé à ne pas oublier sa position d’employé militaire et à se munir d’une autorisation officielle.
C’est seulement le 13 septembre, alors que le traité était signé et enregistré depuis 15 jours, que Mr Chassepot a écrit au Ministre une lettre dans laquelle il rend compte de la manière dont il a été amené à former sa société.
Mr le général, après avoir fait ressortir ces différences de date, donne lecture d’un article de l’acte de société, article qui a été fourni par MM Cahen Lyon et dans lequel il est dit que les parties n’entendent nullement « comprendre dans la présente société les relations de Mr Chassepot avec l’Etat français au sujet de ses troupes de terre et de mer, ainsi que tous traités, marchés et conventions qu’il pourrait avoir fait avec l’Etat français pour les dites troupes et armées, lesquels relation, traités, marchés et conventions restent en dehors des présentes et sont l’affaire personnelle de Mr Chassepot à ses risques, périls et fortune ».
Mr Bonnel de Lonchamps pense que cet article ne garantit pas suffisamment les droits de l’Etat, s’il n’existe pas de convention écrite.
Mr Bertout est d’avis, au contraire, que cet article est suffisant pour que l’Etat puisse fabriquer dans les conditions où il l’entendra.
Mr le général donne alors lecture de la lettre du 13 septembre de Chassepot dans laquelle celui-ci déclare que la société ne pourra « intervenir, en aucune façon, dans ce que l’administration de la guerre a fait ou fera ultérieurement en France pour son usage personnel ».
Le colonel René dit que néanmoins Chassepot en réponse à une demande qui lui avait été adressée pour savoir si la compagnie prétendrait s’opposer à la fabrication de pièces d’armes dans le commerce, lui aurait affirmé que telle était l’intention de la compagnie.
Le général Susane cite une réponse analogue qui lui aurait été faite par Cahen Lyon à la suite d’une semblable demande.
Après ces explications, le général prend l’avis des membres de la conférence pour savoir si dans la situation actuelle des choses, l’Etat a le droit de faire fabriquer dans l’industrie, des armes ou pièces d’armes du modèle adopté.
Tous les membres sont d’accord pour admettre que l’Etat a le droit de faire des commandes d’armes, de pièces d’armes de ce modèle pour l’armement de ses troupes, tant dans les manufactures que dans le commerce et pour déclarer que, dans le cas où la société Cahen Lyon ferait opposition à la fabrication dans l’industrie, il y aurait lieu de demander la nullité du brevet, en ce qui regarde la fabrication des armes pour les besoins de l’Etat, conformément à la jurisprudence admise par les tribunaux et notamment par les arrêts de la Cour de Parisdes 27 décembre 1833 et 12 juillet 1855 et dans celui de la Cour d’Amiens du 25 avril 1866.
Les membres de la conférence sont en outre d’avis à l’unanimité qu’une commande de certaines pièces d’armes du modèle adopté, indiquées dans le brevet, soit faite à l’industrie privée, afin de mettre la société Cahen Lyon en demande de se prononcer.
Propositions soumises à l’Empereur dans la note du 4 octobre 1866 (Ministère):
1/ annuler les brevets Chassepot si la Cie Cahen Lyon n’accepte pas les nouvelles conditions qui lui sont offertes.
2/ créer à Bourges un outillage spécial pour la fabrication de la baïonnette
3/ acquérir l’outillage Box
4/ placer ce matériel à Mutzig qui doit être supprimée comme établissement de l’Etat, en le cédant aux propriétaires de l’usine, à la condition qu’ils s’engagent à fournir un certain nombre d’armes dans des délais déterminés.
6 octobre 1866, Note pour le Directeur de l’artillerie :
J’ai pris connaissance du résumé de la conférence tenue le 3 octobre 1866 dans le cabinet du général directeur de l’artillerie au sujet des brevets pris par Chassepot pour un modèle de fusil à aiguille et cédés à Cahen Lyon et Cie.
Cette conférence n’a pas abordé l’objet principal pour l’étude duquel elle avait été convoquée.
Il ne s’agit pas seulement de savoir quelle différence existait entre les brevets de 1857 et ceux de 1866, ni quelle valeur pouvait avoir, soit la reconnaissance implicite du droit à brevet résultant de la correspondance du département de la guerre, soit les réserves consenties plus ou moins catégoriquement par Mr Chassepot et ses ayant cause au profit de l’Etat pour la fabrication des armes de guerre du nouveau modèle, soit dans les établissements publics, soit par l’entremise de l’industrie privée.
Les questions que je me proposais de faire examiner étaient plus générales et plus absolues.
Elles se soulèvent à propose de l’affirmation suivante :
Les brevets Chassepot ne sont pas valables et le département de la guerre doit en poursuivre l’annulation par les voies du droit :
1/ parce que l’invention que couvrent ces brevets n’est pas propre à Chassepot et qu’elle est le résultat d’un travail collectif auquel les officiers du DC et la commission de tir ont pris une part personnelle et directe
2 parce que, dès avant la concession des brevets, l’invention du fusil à aiguille était déjà vulgarisée, ne fut-ce que par les expériences auxquelles ce fusil avait donné lieu, expériences qui ont eu un caractère incontestable de publicité.
3/ parce que Chassepot, en sa qualité de contrôleur d’armes, attaché aux MA, était un employé auquel il n’était pas permis de s’approprier une invention faite pour le compte de son mandant et dans l’exercice de ses fonctions.
Ces prémisses étant admises, ne convient-il pas que l’Etat prenne l’initiative de l’annulation du brevet Chassepot par la voie judiciaire, non seulement à son point de vue particulier, mais d’une manière générale et à un point de vue absolu.
Enfin, quelle procédure doit être suivie pour poursuivre et obtenir cette annulation ?
Je désire que la question soit reprise et examinée sous les rapports que la présente note a pour objet de préciser.
9 octobre 1866, Ministère :
Conformément aux ordres de Son Excellence le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics chargé par intérim du département de la guerre, une nouvelle conférence a été tenue le 9 octobre dans le cabinet du général directeur de l’artillerie pour examiner diverses questions relatives aux brevets pris par Chassepot pour un modèle de fusil à aiguille.
Etaient présents : Général Susane, colonels René et Frachon, Cdt de Brives, Dunoyer et Bonnel de Lonchamps avoué du Ministre de la Guerre et Bertout, avocat.
Les armes du système Chassepot se distinguent spécialement des autres armes se chargeant par la culasse par le mode d’obturation du tonnerre, mode qui consiste dans l’emploi d’une rondelle en caoutchouc portée par une tête mobile.
Ce mode d’obturation se retrouve dans le fusil présenté en 1857 aussi bien que dans le fusil à aiguille récemment adopté.
Le brevet d’invention de 1857 peut donc être opposé aux fabricants qui voudraient fabriquer des fusils Mle 1866 aussi bien que le brevet de 1866, tel est le motif qui a amené à examiner dans la conférence du 3 octobre les deux brevets pris par Chassepot.
Ouvrier des MA immatriculé en 1851 ? Chassepot était en 1857 à l’époque où il a pris son premier brevet au service de l’Etat et d’après la jurisprudence admise par les tribunaux, il ne pouvait opposer son brevet à l’Etat qui, d’ailleurs, l’a récompensé en le nommant contrôleur d’armes de 2e classe en 1858 et de 1ère classe en 1861.
La propriété de l’arme brevetée en 1857 n’a donc jamais été contestée à l’Etat, et cette propriété était si bien reconnue que seul l’Etat a été en cause dans le procès soutenu par Manceaux au sujet de cette arme.
Il faut remarquer d’ailleurs qu’en 1857 la fabrication des armes de guerre était prohibée en France et que le brevet pris à cette époque ne pouvait avoir d’effet qu’en ce qui concerne l’application aux armes de commerce du système de chargement par la culasse qui y est décrit.
En 1863, Chassepot a présenté un fusil à aiguille différant du fusil prussien par des changements apportés au mécanisme de la culasse et par l’application du système d’obturation breveté en 1857.
C’est ce fusil qui a servi de base aux études ordonnées par Sa Majesté l’Empereur et par Son Excellence le Ministre de la guerre, études auxquelles ont concouru, sous la direction du général de division, président du Comité de l’artillerie, les officiers attachés au service des armes au DC, la commission permanente de tir et Chassepot.
Ces études ont amené au mois de février 1866 au type de l’arme mise en essai au camp de Châlons. Cette arme est donc le résultat d’études collectives faites par ordre du ministre aux frais de l’Etat et par conséquent, le brevet pris en 1866 par Chassepot ne saurait être opposé au département de la guerre.
Chassepot a d’ailleurs été récompensé de ses études par sa nomination en 1864 au grade de contrôleur principal d’armes, il vient, en outre, d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur.
Il y a lieu de faire observer, toutefois, que la situation n’est pas la même qu’en 1857, la loi du 14 juillet 1860 ayant rendu libre la fabrication pour le commerce d’exportation, des armes de guerre de toute espèce. Or, il y a intérêt pour l’Etat à ce que l’emploi des armes du nouveau modèle soit, autant que possible, exclusivement réservé à l’arme française et que des entraves soient apportées à la fabrication de ces armes par l’industrie privée. A ce point de vue, les brevets pris par Chassepot en France et à l’étranger ne présentent que des avantages et il serait fâcheux que l’annulation en fût poursuivie d’une manière générale et absolue.
MM Cahen Lyon et Cie ont, du reste, déclaré verbalement le 5 octobre au général directeur du service de l’artillerie, qu’ils n’avaient jamais entendu contester à l’Etat le droit de faire fabriquer des pièces d’armes du modèle dont il s’agit dans l’industrie privée.
En résumé, la conférence est d’avis à l’unanimité :
1/ que l’Etat a le droit absolu de faire fabriquer des armes et pièces d’armes du modèle 1866 par tous les moyens qu’il lui conviendra, c’est-à-dire dans les MA et dans l’industrie privée, en France et à l’étranger, sans que les brevets pris par Chassepot puissent lui être opposés.
2/ qu’il convient d’inviter la société Cahen Lyon à reconnaître ce droit par une déclaration écrite et que dans le cas où cette société ne répondrait pas à cette légitime demande, il y aurait lei d’en appeler aux tribunaux pour faire prononcer la nullité, vis-à-vis de l’Etat des brevets pris par Chassepot en 1867 et 1866, ces brevets conservant d’ailleurs leur validité en ce qui concerne l’industrie privée. Dans ce dernier cas, une mise en demeure motivant le droit de l’Etat et contenant sommation, par acte extrajudiciaire, d’avoir à reconnaitre ces droits, serait notifiée à la société avec déclaration que, faute d’avoir à y satisfaire dans le délai de 3 jours, il serait procédé par voie de demande principale devant les tribunaux compétents.
12 octobre 1866, Note confidentielle pour Son Excellence le maréchal Randon, ministre de la guerre :
Annulation des brevets : l’Empereur a jugé qu’il y aurait lieu de déférer à la justice les brevets Chassepot pour en faire prononcer l’annulation, dans le cas ou il n’aurait pas été possible de prendre, avec la compagnie qui est devenue acquéreur de ces brevets, des arrangements de nature à les faire tourner à l’avantage de l’Etat en les opposant à la fabrication étrangère.
Il y avait ainsi un intérêt de principe procédant de la situation hiérarchique de Chassepot, et un avantage réel puisque ces brevets, tant qu’ils subsisteront et malgré toute tolérance ou déclaration contraire de leurs possesseurs, menaceront les fabrications de l’Etat.
Pour être prêts à agir aussitôt que les négociations avec Cahen Lyon auraient définitivement échoué, il convenait, en même temps que ces négociations se poursuivaient, de préparer la procédure à suivre pour arriver à l’annulation.
J’ai ordonné dans ce but, qu’une conférence aurait lieu entre les officiers attachés à la direction de l’artillerie et les hommes de loi qui forment le consul du contentieux du département de la guerre. Cette conférence devait examiner la valeur des brevets Chassepot non seulement vis à vis du gouvernement mais encore vis à vis des tiers et rechercher les points par où ils étaient susceptible d’être attaqués.
Cette première conférence a eu lieu le 3 octobre, le résultat en est consigné dans la pièce n°1 jointe à cette note.
Dans cette première réunion la conférence n’a pas abordé les véritables questions sur lesquelles j’avais appelé son examen.
La pièce ci-jointe n°2 fait connaître les points sur lesquels la délibération dont il s’agit m’a paru incomplète et insuffisante.
En conséquence des nouvelles instructions contenues dans cette note, la conférence s’est réunie une seconde fois à la date du 9 octobre.
La pièce n°3 fait connaître les résultats de cette seconde délibération. Mais pas plus la seconde fois que la première la conférence n’a abordé les véritables questions que j’avais cru devoir poser.
La direction de l’artillerie a fait selon moi une faute considérable en admettant plus ou moins directement Chassepot à prendre des brevets et en acceptant la valeur. Elle ne veut à aucun prix reconnaître cette faute et elle s’efforce de la pallier et d’en atténuer les conséquences en déplaçant la question et en faisant une distinction entre la virtualité de ces brevets vis à vis de l’Etat, et vis à vis de la fabrication privée. Elle s’efforce d’établir que dans le premier cas les brevets seraient sans valeur et qu’ils devraient au contraire être respectés dans le second.
Cette distinction est pleine de dangers, elle me semble, quant à moi, aussi inexacte qu’arbitraire.
J’estime que les brevets Chassepot sont nuls pour tout le monde ou valables contre toute le monde et j’aurais sans nul doute insisté pour l’exécution complète de mes instructions, tant toutes les oppositions soit de la part des personnes, soit de la part des corps, si j’eusse agi dans la plénitude de mon autorité.
En qualité de simple intermédiaire, j’ai cru devoir ne pas pousser l’affaire plus avant et laisser à son Excellence le maréchal Randon le soin de décider la ligne de conduite à suivre.
12 octobre 1866, Note confidentielle pour le maréchal Randon :
Marché à passer avec la Cie Cahen Lyon : Le Maréchal sait que Chassepot a pris, de l’aveu de l’administration de la guerre, tant en France qu’à l’étranger, des brevets d’invention pour le fusil à aiguille et à obturateur en caoutchouc, tel ou à peu près qu’il a été adopté en août dernier pour l’armement des troupes françaises. Ces brevets portent une date qui précède de quelques jours seulement cette adoption. Ultérieurement Chassepot a cédé ses brevets à la maison cahen Lyon qui en est aujourd’hui détenteur et qui négocie pour leur exploitation avec divers gouvernements étrangers.
Il avait été reconnu dans un conseil des ministres présidé par l’Empereur que l’annulation des brevets Chassepot devait être poursuivie par les voies du droit en s’appuyant sur des motifs qu’il est inutile d’énumérer.
Toutefois, il a été reconnu d’autre part que l’Etat pourrait avoir avantage à laisser subsister ces brevets à la double condition que la Cie renoncerait à en faire usage pendant trois, et se prêterait à les opposer à toute fabrication autre que celle entreprise pour le compte du gouvernement français. Il avait été décidé que, en échange de cette concession, il pourrait être fait à la Cie jusqu’à concurrence de 400 000 fusils, une commande livrable à prix ferme, pour une époque et sous des contrôles déterminés.
Les premières ouvertures faites à la Cie en conséquence de cette décision, ont amené de sa part des propositions tout à fait inacceptables et qui ont été repoussées. Il s’agissait dans ces propositions d’une fourniture de 1 200 000 armes livrables sans garantie directe de la part des fournisseurs et moyennant un droit de poinçonnage très élevé et destiné à rémunérer leur entremise.
Par suite de nouvelles négociations, la Cie s’est réduite à des termes plus raisonnables. Il ne s’agirait plus aujourd’hui que d’une fourniture de 200 000 fusils livrables à des conditions générales qui se rapprochent de celles qui lui avaient été d’abord posées. Toutefois, il resterait encore à s’entendre sur le prix des armes et surtout sur les conditions d’existence des brevets et de l’usage à en faire dans l’intérêt de l’Etat.
Ces dernières négociations sembleraient de nature à aboutir. Mais sur ces entrefaites, l’Empereur a manifesté l’intention de ne commander à Cahen que les crosses et les canons pour lesquels ils ne sont en possession d’aucun privilège et de réserver à l’Etat la fabrication des mécanismes lesquels sont précisément l’objet du brevet Chassepot et constituent par conséquent la raison d’être de l’entreprise Cahen Lyon.
Cette difficulté ne paraît pas insoluble car Cahen et Lyon acceptent de faire fabriquer ces mécanismes sous le contrôle direct de l’Etat et dans les ateliers mêmes où la direction de l’artillerie fait fabriquer ceux de ces mécanismes qui sont destinés aux armes qu’elle produit directement.
Telle est la situation actuelle de l’affaire qui concerne la commande à l’industrie privée des fusils Chassepot. Au point où cette affaire a été conduite, il appartient au Maréchal de décider si elle sera menée plus avant, dans quelles conditions et dans quelle mesure. Je me borne à lui faire savoir que les pourparlers avec la maison Cahen n’ont rien engagé et que la table est absolument rase pour le parti à adopter.
Je rappellerai que dans le cas où les négociations dont il s’agit n’aboutiraient pas, soit par la volonté du Ministre, soit par celle des fournisseurs, il y aura lieu de reprendre de suite la question de l’annulation des brevets. La situation des choses, en ce qui concerne cette question sera l’objet d’une note spéciale.
Décembre 1866 : Conflit entre Chassepot et le ministre de la Guerre relatif à la fabrication du fusil Mle 1866 (A monsieur le général Guiod, membre du Comité d’artillerie) :
Paris, le 12 décembre 1866, Chassepot à général ? :
Les pourparlers qui ont eu lieu entre le Ministère de la guerre et la Société Cahen Lyon et Cie à laquelle j’ai fait la cession de mes brevets de 1857 et 1866 ont irrité l’administration au point de m’attribuer des faits ou des procédés contraires à mes devoirs et peu dignes de ma position d’employé du gouvernement.
Je ne saurais accepter de tels reproches qui, bien que ne m’ayant pas été adressés directement, ont néanmoins eu assez de retentissement pour me mettre dans la nécessité d’y répondre, si cela devenait nécessaire, mais avant de prendre cette détermination, je viens mon général soumettre à votre jugement éclairé les faits accomplis, et, confiant dans votre impartialité, j’aime à croire qu’après avoir examiné la question, vous voudrez bien vous charger auprès de Son Excellence le maréchal Ministre de la guerre ainsi qu’auprès du général directeur de l’artillerie, du soin de ma réhabilitation que je vous confie.
Avant d’arriver aux causes du conflit, il me paraît utile de vous retracer sommairement ce qui a été fait depuis l’origine de ma première proposition.
Dans le mémoire que j’ai eu l’honneur d’adresser au Ministre à ce sujet, le 3 novembre 1857, je disais « Enfin, les résultats obtenus me mirent dans l’obligation pour ne pas être devancé par d’autres et perdre le fruit de mon travail, de m’en assurer la propriété par la prise d’un brevet, avec l’intention bien arrêtée de n’en faire usage qu’envers le public. Quant à l’Etat, je lui donne entièrement mon invention, et si elle peut lui être utile, je me trouverai heureux d’avoir pu y contribuer par mon travail dans la carrière que j’ai entreprise ».
Ce brevet, pris en France et dans les puissances étrangères avec le consentement verbal du général directeur de l’artillerie au ministre de la guerre, ne donne lieu à aucune contestation de la part de l’administration, bien que cependant il ait été pris par moi au moment où j’étais lié au service et détaché à l’atelier des modèles d’armes. La validité de ce brevet et les droits qu’il confère me furent au contraire affirmés, étant employé de l’Etat, par les lettres que S.E. le ministre de la guerre m’a adressées en réponse aux demandes d’armes qui lui avaient été faites par quelques agents des puissances étrangères (voir lettres n°1, 2 et 3).
J’arrive maintenant à l’arme Mle 1866 qui fait suite à ma première proposition et qui a été adoptée le 30 août dernier.
Comme en 1857, mon intention a été d’abandonner à l’Etat l’arme que je proposais mais cet abandon que je faisais avec tout le désintéressement que comportait ma position d’employé du gouvernement, n’avait pas de raison d’être à l’égard de l’industrie et des gouvernements étrangers. Je me proposais donc de suivre pour cette arme la voie que j’avais suivie sans inconvénient en 1857 c’et-à-dire d’en prendre les brevets, avec l’intention de ne les faire valoir que dans l’industrie et à l’étranger ; mais sachant par expérience les frais que j’avais faits pour la prise de mes brevets en 1857, je crus plus sage d’attendre le résultat des expériences qui allaient avoir lieu au camp de Châlons pour donner suite, s’il y avait lieu , à mes projets.
Sur ces entrefaits, je reçus à la MAC le 24 juillet 1866 la visite de Cahen Lyon munis d’une lettre du général Susane, d’après laquelle ces messieurs ne pouvaient effectuer la transformation des armes qu’ils avaient demandées au Ministre, qu’avec mon assentiment et en s’entendant avec moi à ce sujet, ayant pris des brevets d’invention pour mes systèmes d’armes (voir lettres N°4).
Mr Cahen Lyon me proposèrent un traité dont les conditions furent débattues et que j’acceptais sans hésitation en présence d’une lettre officielle m’en accordant implicitement l’autorisation et ne spécifiant pas mon arme à percussion plutôt que celle à aiguille. Par ce premier engagement, daté du 24 juillet 1866, je cédais à ces messieurs pour une durée de six mois et moyennant une redevance déterminée par arme, le droit de transformer d’anciennes armes ou d’en fabriquer de nouvelles d’après mes systèmes, ce qui impliquait naturellement la prise des brevets de l’arme à aiguille dont ces messieurs me proposaient de payer du reste tous les frais (voir lettre N°5).
Cet engagement fut prolongé le 8 août suivant sur la demande de ces messieurs jusqu’au 31 août 1857 (voir lettre N°6).
Je dois ajouter ici, que sans la lettre du général Susane, je n’aurais pas plus traité avec ces messieurs qu’avec Mr Dorgeon qui me demandait le 22 mai 1865, 5 fusils d’infanterie Mle 1857 transformés en armes de mon premier système pour être expédiées au Japon, et qui, sur l’avis du général Le Bœuf et des colonels de Ménibus et René, que j’avais consultés ne furent pas transformés.
A partir du 8 août, Cahen Lyon firent les démarches nécessaires pour la prise des brevets français et étrangers et me demandèrent dans ce but, comme une chose indispensable, quelques armes que j’ai demandées au directeur de la MAC, à charge de remboursement, et que j’ai ensuite remises à ces messieurs qui en ont disposé à leur gré.
Le brevet français fut pris à la date du 27 août 1866 et assura ainsi à ces messieurs les droits que je m’étais cru autorisés à leur céder par anticipation le 24 juillet précédent.
Les choses en étaient à ce point lorsque Cahen Lyon me proposèrent de constituer une société pour l’exploitation des brevets dans laquelle je ne figurerais qu’au titre d’intéressé dans les bénéfices de leur exploitation.
J’accueillis ces dernières propositions avec plus de réserve en faisant observer à ces messieurs que j’avais abandonné à l’Etat l’arme qui avait alors des chances d’être adoptée, et que si leurs intentions étaient d’intervenir dans la fabrication de l’Etat je ne pourrais accepter leur offre. Cette condition à laquelle je tenais essentiellement fut acceptée spontanément et de suite on s’occupa de rédiger un projet de société dans lequel il fut spécifié « par les parties, qu’elles n’entendent nullement comprendre dans la présente société les relations de Mr Chassepot avec l’Etat français au sujet de ses troupes et armées de terre et de mer, ainsi que tous les traités, marchés ou conventions qu’il pourrait avoir faits avec l’Etat français pour les dites troupes et armées, lesquelles relations, traités, marchés et conventions restent en dehors des présentes et sont l’affaire personnelle de Mr Chassepot, à ses risque, périls et fortune ». Cet acte signé le 20 août 1866 et pouvant être modifié dans le délai de quinze jours accordé pour en faire la publication légale, je crus bien faire, uniquement par déférence pour le général Susane, et non parce que je m’y croyais obligé, de l’informer ainsi que Mr Frachon des engagements que j’étais en voie de contracter et connaître leur opinion à ce sujet. Le général Susane et le colonel Frachon se conformant aux principes suivis jusqu’alors pour me garantir la propriété des armes que je proposais, les droits de l’Etat étant réservés, ne me firent aucune objection qui me mit dans l’obligation de modifier les engagements que j’avais contractés, aussi le 5 septembre suivant, publiait-on l’acte de société dans le Moniteur universel.
L’acte de société publié, certains journalises en parlèrent, d’autres ajoutèrent mon nom à la raison sociale. Ces bruits parvinrent à l’administration de la guerre, jetèrent une certaine inquiétude dans les esprits et me mirent dans la nécessité, sur les conseils du commandant Maldan, d’écrire au Ministre de la guerre à la date du 13 septembre, une lettre dans laquelle je lui exposais la situation et que je terminais en lui demandant quelques conseils sur la conduite que j’avais à tenir dans cette affaire ultérieurement (voir lettre N°7).
Cette lettre, à laquelle on ne m’a jamais répondu, fut remise par moi au général Susane qui, en ayant pris connaissance, ne me fit aucune objection, si ce n’est que de m’exprimer le déplaisir qu’il éprouvait de voir figurer mon nom dans la raison sociale qui venait de se former, ce qui était incompatible avec mes fonctions d’employé du gouvernement. Je rassurais complètement le général à ce sujet en lui indiquant la date du Moniteur dans lequel l’acte était publié et qu’il fit demander. Après l’avoir lu, le général fut satisfait de ne pas y voir figurer mon nom ; puis, il me fit part de l’intention qu’il avait de demander pour moi, à titre de récompense, une somme de 50 000 francs d’abord puis 50 000 autres francs prélevés sur 500 000 armes à raison de 10 centimes par arme.
Le colonel Colson me fit demander le 17 septembre suivant, je lui remis une copie de la lettre que j’avais remise au général Susane, il la lut attentivement et me parût très satisfait.
Jusque là je n’avais donc rencontré aucun esprit d’hostilité au sujet du traité passé avec Cahen Lyon ; malheureusement, et par un oubli bien involontaire de ma part, je n’avais pas prévenu l’administration de la guerre de la prise du brevet de l’arme qui venait d’être adoptée et qui avait eu lieu à la date du 27 août précédent, c’est-à-dire 5 jours avant son adoption définitive.
Cet oubli de ma part fut considéré par l’administration comme une surprise, que je déclare formellement ne pas avoir voulu lui faire et qui n’avait pas assurément de raison d’être, du moment que je donnais mon arme à l’Etat. Je suis même convaincu que sans les évènements qui survinrent plus tard, l’administration ne m’aurait jamais inquiété à ce sujet.
J’arrive maintenant aux circonstances qui sont la cause principale de l’irritation qui s’est produit au Ministère de la guerre.
Le 21 septembre je fus appelé à l’Inspection des MA, je rencontrais le colonel René, la commandant Maldan, le capitaine Bry et Mrs Gastine Renette Fils.
La conversation roula sur une commande d’armes Mle 1866 que l’on se proposait de donner à Gastine, et à ce sujet, on me demandait quelques renseignements techniques.
Je fus excessivement surpris de voir proposer, contrairement au principe en usage, une commande d’armes à l’industrie, et cela avec d’autant plus de raisons, qu’en donnant mon arme à l’Etat, j’avais toujours fait allusion à la fabrication de ses armes dans les manufactures impériales. Ma position devint d’autant plus difficile que la société qui venait de se former, avait traité dans cette prévision, et que par conséquent, j’avais à craindre de sa part une intervention dans la question.
Je déclarais alors nettement au colonel René pour qu’il n’ait aucune surprise, que je ne savais pas jusqu’à quel point Mr Gastinne, qui n’était aux yeux de la société qu’un industriel, aurait le droit de fabriquer, même pour l’Etat, des armes sans l’assentiment de la société. Et en effet, il ne me paraissait pas juste que l’administration de la guerre, changeant subitement le mode de fabrication admis, vînt donner à Mr Gastinne les bénéfices d’une exploitation dont la société avait le privilège dans l’industrie et dont elle payait les frais.
Ces observations étonnèrent le colonel René, mais la discussion ne se prolongea pas plus longtemps, devant partir le soir même pour Châtellerault.
Le 28 septembre je reçus du colonel René une lettre à ce sujet (voir lettre N°, je lui répondit le 3 octobre suivant la lettre N°9.
Ce que j’avais prévu arriva en effet, la Société intervient et les discussions entamées entre elle et le Ministre de la guerre atteignirent une gravité telle que je devais malgré moi en ressentir les effets.
Il ne m’appartient pas ici de rentrer dans les débats qui ont eu lieu à ce sujet et qui sont l’affaire personnelle de la société, mais ce que je puis affirmer et prouver au besoin, c’est que je n’ai jamais voulu sciemment sacrifier les intérêts de l’Etat à ceux de la société.
Grâce à l’influence que je me suis efforcé d’exercer sur ces messieurs, j’ai contribué à leur faire faire ma première déclaration datée du 15 octobre (voir lettre N°10) qui a été le premier pas fait vers celle du 24 octobre suivant, par laquelle la société, sur la promesse d’une commande de 200 000 armes, cédait à l’Etat le droit de faire fabriquer partout où bon lui semblera les armes du Mle 1866 destinées à l’armement de ses troupes de terre et de mer (voir lettre N°11).
Je joins au présent mémoire quelques pièces qui permettent de voir à quel point en est la discussion.
J’espère Général qu’après avoir examiné attentivement les différentes phases de la question, vous n’y trouverez rien qui soit de nature à porter atteinte à la considération que je me suis efforcé de mériter par des années de travail soutenu, employé à l’étude d’armes que j’offrais avec beaucoup de désintéressement à l’Etat malgré les peines et les sacrifices de toute nature que je me suis imposé.
Alphonse Chassepot.
Lettre N°1 :
Paris, le 18 juillet 1863, général de Bressoller à Chassepot, contrôleur 1ère classe à la MAC :
J’ai reçu votre lettre du 9 juillet dans laquelle vous me soumettiez vos observations sur la demande d’un modèle de votre fusil faite par le gouvernement prussien.
Je vous invite à fabriquer pour le chargé d’affaires de Prusse à Paris qui l’enverra à son gouvernement.
Un fusil d’infanterie de votre système avec accessoires et moules à balles.
Je fais connaître au chargé d’affaires que la remise de l’arme est subordonnée à certaines conditions propres à garantir votre propriété et que vous aurez l’honneur de lui indiquer.
N°2, le 3 avril 1865, général Susane à Chassepot, contrôleur principal au DC :
J’ai reçu votre lettre du 16 mars dans laquelle vous me soumettiez vos observations au sujet d’une arme de votre système qui doit être remise à titre gracieux au gouvernement danois. Etc.
N°3, le 24 mai 1865, général Susane à Chassepot :
Je vous préviens que le général directeur du Comité est invité à faire remettre au ministre du roi du Portugal qui en a fait la demande une arme de votre système avec moules à balles et accessoires. Etc.
N°4, 21 juillet 1866, Susane à Cahen Lyon :
Vous me faites connaître par votre lettre du 17 juillet que vous avez reçu de divers côtés des demandes de fusils se chargeant par la culasse et qu’avant de transmettre ces commandes à Liège et Birmingham, vous voudriez tenter de réserver ces fournitures à l’industrie française.
Vous demandez dans ce but si, en présence de la prévision d’un changement d’armement, le gouvernement consentirait à vous céder des armes des modèles abandonnés que vous feriez transformer en armes du système Chassepot.
Cette demande rentrant dans les vues actuelles du gouvernement, qui a intérêt à se défaire des armes hors d’usage, je suis disposé à l’accueillir favorablement et à vous faire livrer, à charge de remboursement, les fusils dont vous auriez besoin pour satisfaire à vos commandes.
Quant à leur transformation, elle ne pourrait s’effectuer qu’avec l’assentiment de Chassepot qui a pris des brevets d’invention pour ses systèmes d’armes, et avec lequel vous auriez à vous entendre à ce sujet.
Les armes qui pourraient dès à présent être mises à votre disposition sont :
Fusils à silex de service ou à réparer
Mousquetons de cavalerie et de lanciers, à percussion, de service ou à réparer
Fusils à percussion à canon lisse.
Etc.
N°8, le 28 septembre 1866, colonel René à Chassepot :
Dans les deux conversations que j’ai eus avec vous avant votre départ, je ne vous ai pas caché ma manière de voir à l’égard de votre position envers l’Etat. Vous savez que dans ma conviction, vous vous étiez toujours posé comme ne voulant gêner en rien l’Etat sans ses approvisionnements, quelque fut le procédé employé par l’Etat pour s’approvisionner.
Je suis plus que jamais ancré dans cette conviction et j’ai vu avec peine, par la déclaration que vous avez faite devant moi et Gastine, que vos idées s’étaient modifiées.
Je laisse à ceux qui ont la mission le soin de trancher cette question et je veux vous entretenir aujourd’hui d’une question de détail.
Vous savez mieux que moi que la marche du fusil Mle 1866 dépend pour une bonne partie de la parfaite exécution des pièces qui ont été faites chez Colmant. Mon intention est de continuer à faire faire par Colmant et son associé Barriquand les mêmes pièces pour une grande partie des armes qui seront fabriquées en 1866/1867 afin de permettre aux MA de s’outiller tranquillement, mais je ne veux prendre aucune détermination avant d’être bien certain que je ne trouverai pas votre société sur mon chemin pendant l’exécution. J’aime les positions nettement tranchées et je vous pris donc de me faire connaître de manière à ce que j’ai votre réponse lundi matin, si votre société élèvera des prétentions à l’occasion de la fabrication des pièces qui seraient exécuter chez Colmant ou autre dans les conditions qui viennent d’être faites les pièces pour les 500 armes d’essai. Etc.
Cahen-Lyon à Chassepot, 15 décembre 1866 :
Vous demandez l’emploi des 6 armes que nous vous avions demandées.
Vous avez que nous avons toujours fait voyager ces armes, accompagnées d’un de nos agents. Ces armes sont actuellement au dépôt entre les mains de nos propres agents avec défense expresse de s’en désaisir.
Nous les ferons revenir au besoin.
Vous nous avez remis successivement 6 armes du 15 août au 20 septembre.
Un de nos agents est parti dans le commencement de septembre présenter une arme en Suisse et en Autriche mais ne l’on pas laissé dans aucun de ces pays.
Nous avons remis :
2 armes à un agent parti aux Etats-Unis le 18 octobre
1 arme id en Egypte fin octobre
1 arme id au Pérou le 6 octobre
1 arme id en Belgique le 7 septembre
1 arme id en Italie le 12 septembre.
Maintenant si cela peut vous intéresser, en vue de la commande de 200 000 armes que l’Administration de la guerre avait l’intention de nous confier, le Ministre de la guerre nous a fait délivrer 4 armes avec permis d’exportation pour la Belgique, l’Angleterre et l’Espagne dans le but d’établir la fabrication dans ces différentes contrées. Ces armes sont dans les mains des fabricants et suivant l’autorisation qui nous a été accordée, nous ne les réintégrerons que vers la fin du mois. Etc.
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Ce n'est qu'une partie des archives existantes sur le sujet... Autre sujet à aborder, récurrent dans les relations de Chassepot avec d'autres armuriers.... Parlons ici de Manceaux ! Là encore ce ne sont que quelques retranscriptions...
Affaire Manceaux : Carabine Manceaux : Paris le 5 août 1864, Maldan à Président Comité :
J’ai lu avec attention la lettre adressée à l’Empereur par Manceaux le 15 juillet dernier.
On peut la résumer ainsi :
Mr Manceaux a présenté le 15 juin 1863 trois carabines au Ministre de la guerre. Ces trois armes analogues aux 175 armes du système Manceaux Vieillard qui sont en essai dans les corps, diffèrent de ces dernières, et entre elles, par le canon qui a été plus ou moins renforcé pour donner plus de poids à l’arme déjà lourde, et pour permettre l’emploi de charges plus fortes.
Mr Manceaux prétend n’avoir reçu aucune réponse du Ministre au sujet de la proposition, cette affirmation est contraire à la vérité, le Ministre lui a accusé réception le 19 juin 1863.
Le 8 septembre 1863, Manceaux adresse un mémoire au ministre, par lequel il offre de faire établir à ses frais dix ou vingt armes de chacun des modèles présentés le 15 juin et il demande que ces armes soient mises en essai dans les corps déjà chargés d’expérimenter les 175 armes précitées.
Il lui fut répondu que l’examen de ses trois dernières armes avait été déféré au Comité de l’artillerie.
Le 8 octobre 1863, nouvelle lettre de Manceaux au Ministre renouvelant l’offre du fournir des armes à canon renforcé pour être mises en essai et proposant en outre de supporter la dépense de 50 000 cartouches pour donner plus d’extension aux expériences en cours d’exécution.
Nouvelle réponse du Ministre informant Manceaux que les modèles présentés étaient soumis à l’examen du comité et qu’il y avait lieu d’attendre l’avis du Comité.
« depuis cette époque, dit Manceaux, il ne m’a été notifié aucune décision sur ma proposition présentée ». il termine sa lettre en appelant la protection de l’Empereur sur une invention et des perfectionnements qui intéressent le service public et l’Empereur.
Une des dernières phrases de la lettre mérite d’être rapportée textuellement : « J’invoque en faveur de ma proposition le préjugé favorable de l’examen approfondi du Comité sur l’avis duquel l’essai de mon système d’armes a été ordonné ; celui non moins favorable d’expériences commencées depuis une année dans les corps et qui, en confirmant les premiers résultats constatés par le conseil d’instruction de l’ENT, ont démontré la solide construction de mes armes ».
Dans ce factum, Manceaux se pose en inventeur désintéressé, victime de la partialité, ou tout du moins, du mauvais vouloir du Ministre.
Voici maintenant la vérité :
En 1862, le Ministre a fait fabriquer 175 armes système Manceaux Vieillard qui ont couté plus de 18 000 francs. Ces armes ont été mises en essai dans les corps afin de juger de leur convenance dans le service et l’efficacité du système obturateur.
Dès les premières séances d’expériences on a signalé certains inconvénients qui autorisaient le Ministre à penser que son système d’armes était loin d’être parfait.
Plusieurs corps se plaignaient que l’obturation était incomplète dans quelques armes, qu’il se produisait des crachements de gaz dangereux pour le tireur, que le système était d’un entretien délicat et compliqué, que les réparations étaient difficiles à exécuter, etc.
Aussi, quand Manceaux vint proposer le 8 septembre et le 8 octobre de fournir de nouvelles armes ayant le même système d’obturation que les précédentes, le Ministre dit d’attendre le rapport des corps chargés des essais pour savoir si le système avait des chances de réussite avant de prendre une décision relative aux nouvelles armes de Manceaux.
Sur ces entrefaits, Manceaux qui avait eu vent de l’insuccès de ses armes dans les corps, intente un procès au Ministre pour faire suspendre les essais qui se sont fait avec les armes Chassepot concurremment avec les siennes.
Le prétexte qu’il imagine pour motiver son procédé inqualifiable, est que dans les armes Chassepot on ménage un vide en arrière de la cartouche au moyen d’une tige qui termine le verrou mobile, que l’on place une rondelle de carton entre la poudre et la balle, et que l’on met des grains de cuivre aux cheminées. Toutes choses pour lesquelles il se prétend dûment breveté, tandis qu’elles sont dans le domaine public, l’une depuis plus de vingt ans, et les autres depuis qu’on emploie des armes à piston.
L’affaire est en instance depuis plusieurs mois devant la 1ere chambre du tribunal civil de la Seine.
Depuis que le procès est intenté, le Comité a donné son avis :
1/ à la date du 21 mars 1864 sur la demande d’essai des nouvelles armes présentées par Manceaux.
2/ à la date du 2 juin 1864 sur les rapports des corps chargés des essais comparatifs.
Dans la délibération du 21 mars, le Comité propose de faire essayer les armes présentées par la Commission permanente de tir à Vincennes afin de s’assurer que l’augmentation de charge ne peut pas compromettre la sûreté de l’obturation et devenir une cause de danger pour le tireur. Ces précautions sont toujours prises avant de mettre un système d’armes quelconque en expérience dans les corps.
Dans la délibération du 2 juin le Comité émet l’avis que le système d’armes Manceaux Vieillard ne semble pas propre au service de guerre,
Que les expériences qui ont eu lieu dans les corps peuvent être considérées comme terminées,
Et que rien ne s’oppose à ce que ces armes soient versées dans les magasins de l’Etat.
En présence de cet avis définitif, les expériences des dernières armes présentées devenaient inutiles ainsi que les premiers rapports des corps l’avaient fait pressentir au Ministre.
Mais pour éviter que Manceaux ne dise que le rejet de son système vient du sentiment vindicatif du Ministre, le Ministre a-t-il laissé continuer les expériences qui durent depuis plus d’un an dans les corps avec les 175 armes et attend-il patiemment le jugement du tribunal pour informer Manceaux des décisions qu’il a prises relativement aux armes actuellement en essai, et à celles qui ont été présentées en dernier lieu.
…
la liquidation de l’entreprise de la MAT qu’il a gérée pendant 18 ans a laissé de trop récents souvenirs pour qu’on ne se tienne pas toujours en garde contre cet industriel et le Ministre a agi avec la réserve et la prudence que la connaissance du personnage lui importait, en suspendant tout rapport avec Manceaux jusqu’à ce que le tribunal se prononce.
Courriers divers concernant Manceaux :
Paris, 20 août 1863, Ministre à Comité :
Je vous adresse ci-joint un mémoire établi sous forme de lettre par Manceaux pour protester contre l’application aux armes du système Chassepot de perfectionnements dont il se prétend l’inventeur et le propriétaire.
Mettre ce mémoire à l’examen du comité.
Note relative à une protestation de Manceaux au sujet de divers éléments des armes du système Chassepot (Chassepot 29 mars 1864) :
Si l’on consulte le brevet pris par Manceaux à la date du 17 juin 1858, on voit :
1/ que ce sont les résidus souvent enflammés, restant dans la chambre et apportant un véritable obstacle au chargement de l’arme qui ont déterminé cet inventeur à ménager un espace vide entre le bouton plein du verrou et le derrière de la cartouche.
2/ que cet espace comme le prétend Manceaux est donné à la dilatation des gaz qui, après avoir été prendre leur point d’appui sur le bouton du verrou réagissent en avant et entraînent la balle et tous les débris non encore consumés de l’enveloppe de la cartouche.
On reconnaît comme Manceaux les avantages qui sont la conséquence du vide ainsi fait derrière la cartouche, mais on lui conteste le mérite d’avoir inventé cette disposition ainsi que la prétention d’en revendiquer exclusivement la propriété par la prise d’un brevet.
En effet, le manuel … 1852, seconde partie, renferme dans la description du fusil à aiguille prussien, différents passages qui démontrent surabondamment le but et les avantages du vide fait dans la chambre à la partie correspondante au derrière de la cartouche, on serait même tenté de croire que Manceaux s’est inspiré de la lecture de cette description pour donner à son arme les dispositions qui font l’objet de sa protestation et pour lesquelles il s’est ensuite fait breveter.
Le vide fait à l’arrière de la cartouche n’est donc pas une chose inventée dernièrement, restait à limiter ce vide d’une manière régulière. Or, dans le fusil à aiguille prussien, nous remarquons que le conducteur de l’aiguille est l’intermédiaire au moyen duquel on obtient ce résultat, en effet, l’extrémité de ce conducteur sur ce point d’appui à la cartouche, qui, sans cette disposition, tomberait dans la chambre postérieure (le diamètre de cette chambre est égal à celui de la chambre antérieure 17 mm) et détruirait ainsi le vide qu’on a voulu y produire.
Manceaux, en surmontant le cône plein d’une tige tronconique ou dard, n’a donc fait, à mon avis, que reproduire une disposition déjà connue, de cela les effets sont les mêmes et qui depuis a été appliquée de nouveau aux mousquetons Arcelin mis en essai en 1857.
Pour ce qui est relatif aux rondelles en carton, je n’ai rien à ajouter aux observations faites par le Comité dans son rapport du 1er novembre 1863.
Quant à la cheminée à grain de cuivre, j’ajouterai aux observations du Comté que l’application en a été faite à une époque antérieure à la prise du brevet de Manceaux.
En effet, l’ENT recevait le 16 décembre 1858 une collection d’armes suisses au nombre desquelles il existe une carabine ayant la cheminée garnie de grains en cuivre rouge. Cette nouvelle application, répandue en France dès cette époque et appliquée en Suisse aux armes de guerre de petit calibre suffit à mon avis pour contester la validité du brevet pris par Manceaux à la date du 5 décembre 1861.
Rapport Comité 1er novembre 1863 sur brevets Manceaux :
Par dépêches en date du 20 août et du 23 octobre dernier, le Ministre a renvoyé à l’examen du Comité deux mémoires qui lui ont été adressés par Manceaux et dans lesquels cet industriel proteste contre l’application aux armes du système Chassepot de perfectionnements dont il se dit l’inventeur et le propriétaire.
Dans son premier mémoire, il conteste au département de la guerre le droit d’appliquer aux armes Chassepot les pièces suivantes :
1/ le dard placé à l’avant de la tête mobile de l’obturateur
2/ le grain en cuivre vissé à la base de la cheminée.
Relativement au dard de la tête mobile, Manceaux expose que le 27 décembre 1858 il a remis au DC une collection d’armes se chargeant par la culasse d’un système inventé par Vieillard et par lui. Cette collection était accompagnée d’un mémoire descriptif se terminant par le paragraphe suivant :
« Enfin, comme il a été observé que l’action des gaz de la charge avait pour effet de faire adhérer au fond du tonnerre le derrière de la cartouche, le cône plein obturateur a été surmonté d’une tige conique de 12 mm environ de hauteur. C’est sur l’extrémité de cette tige que repose la cartouche, en sorte qu’il existe un espace vide entre la cartouche et le fond du tonnerre. Au moyen de cet appendice, les gaz, après avoir frappé le cône plein du verrou, réagissent en avant et emportent avec la balle les résidus de la cartouche restés suspendus sur la tige conique. Ces derniers perfectionnements ont complété le système, ils ont rendu possible la forte charge, la grande tension de la trajectoire, assuré la justesse continue du tir et la marche constante du système de clôture sans embarras ni obstacle ».
Manceaux ajoute que cet appendice indispensable dont sont pourvues toutes les armes livrées par lui à l’Etat, n’a été imaginé par les inventeurs qu’après 18 mois d’études entreprises dans le but de faire disparaître l’amas de résidus qui se formait au fond de la chambre. Ce perfectionnement a été décrit en date du 7 juin 1858 dans un certificat d’addition au brevet du 3 novembre 1856 relatif au système d’obturation et fait partie d’un ensemble de dispositions dont Manceaux s’attribue la propriété exclusive.
Après cet exposé, Manceaux relate que, les résultats de tir obtenus avec les armes Chassepot en essai dans les corps ayant été très défectueux, le département de la guerre a fait apporter diverses modifications à ces armes, et notamment a envoyé aux corps, vers la fin de juillet dernier, une collection de têtes mobiles d’un nouveau modèle destinées à remplacer celles qui avaient été primitivement employées.
Les premières têtes mobiles se terminaient en avant par un disque qui formait le fond du tonnerre et sur lequel reposait le derrière de la cartouche, tandis que les nouvelles têtes mobiles sont surmontées d’une tige qui ménage un espace vide entre le fond du tonnerre et le derrière de la cartouche.
Manceaux prétend que cette tige a été empruntée à son système. « j’avais appris, dit-il, que la Commission permanente de Vincennes avait fait appliquer à quelques armes Chassepot cette tige si efficace qui appartient au mien. Comme il ne s’agissait que d’expériences de polygone, je me suis abstenu d’élever alors aucune réclamation, mais aujourd’hui que le Département de la guerre semble avoir pris le parti de s’attribuer l’usage d’un organe précieux de mon système pour l’appliquer à des armes d’un système étranger, je viens protester auprès de vous contre cette usurpation que Votre Excellence cessera d’autoriser, j’en suis assuré, après avoir été personnellement instruite de la valeur de l’emprunt qui m’a été fait et de mes droits virtuellement et incontestablement établis ».
Passant ensuite à l’examen de la cheminée des armes Chassepot, Manceaux prétend que le grain en cuivre dont elle est munie à la base est un perfectionnement de son invention qui lui appartient en vertu d’un brevet pris le 5 décembre 1861.
« Ce perfectionnement consiste dans l’introduction d’un grain en platine, cuivre ou tout autre métal inoxydable au centre des cheminées des armes à feu. Jusqu’alors, on s’était contenté de garnir d’un grain en platine ou en cuivre le fond du logement de la cheminée pour prévenir l’altération du trou de communication par l’action des gaz, mais cette précaution est insuffisante dans les armes à balle forcée ».
Enfin, Manceaux termine son premier mémoire dans les termes suivants : « Votre Excellence reconnaîtra certainement que, lorsque j’ai rempli les formalités exigées par la loi, la propriété des perfectionnements qui sont le résultat de mon travail et de mon expérience doit être respectée et profiter seulement aux armes que je produis. Chacun sait que Votre Excellence est pénétrée d’un sentiment trop profond d’impartialité et de justice pour permettre, lorsque deux systèmes d’armes différents sont mis concurremment en essai pour être soumis à un jugement définitif, que l’un d’eux soit arbitrairement doté avec le concours de l’administration des éléments de perfection et de succès qui appartiennent à l’autre.
Par ces motifs, je prie V.E. de vouloir bien ordonner que les obturateurs à tige concentrique (tête mobile à dard) et les cheminées à grain de métal inoxydable appliqués aux armes du système Chassepot mises en essai dans les corps soient retirés de ces armes ».
Dans son second mémoire, Manceaux expose qu’il a appris que le département de la guerre fait fabriquer à la MAC des carabines du système Chassepot avec diverses modifications ayant pour objet d’améliorer les résultats fournis par ces armes. N’ayant reçu aucune réponse à son premier mémoire, et craignant qu’on ne persévère dans la voie des emprunts à son système, il se voit contraint de faire connaître au Ministre qu’il s’oppose de la manière la plus formelle à toute application des organes et procédés qui lui appartiennent aux armes du système Chassepot en cours de fabrication à la MAC, il réitère en même temps la prière au ministre de faire enlever des armes Chassepot en essai les têtes mobiles à dard et les cheminées à grain en métal inoxydable qui y ont été appliqués en violation de ces droites de propriété.
Manceaux élève encore une nouvelle réclamation, il s’oppose à l’emploi, dans les cartouches confectionnées pour les essais des armes Chassepot, de la rondelle placée entre la base du projectile et la charge de poudre, rondelle dont les fonctions sont spécifiées, ainsi qu’il suit, dans le certificat d’addition à mon brevet en date du 7 juin 1858 et dans la note remise au DC le 27 décembre suivant :
« Une rondelle en carton d’environ 4 mm d’épaisseur a été placée derrière la balle après son introduction dans le tube en papier formant l’enveloppe de la cartouche. Le rôle de cette rondelle est en premier lieu de servir d’intermédiaire entre le projectile et la charge, et conséquemment d’empêcher cette dernière d’agir directement sur la matière amollie du premier. Cette rondelle, d’un diamètre légèrement supérieur à celui de la base de la balle, a pour autre avantage de ramasser le suie du coup précédent et de la jeter hors du canon ».
Enfin, Manceaux termine son second mémoire en exprimant l’espoir que le Ministre reconnaîtra l’urgence d’une décision sur cette question de droit et de propriété.
Des deux mémoires renvoyés à l’examen du Comité, il résulte que Manceaux proteste contre l’application aux armes Chassepot et à leurs munitions, des trois pièces suivantes dont il se dit l’inventeur :
1/ le dard placé à l’avant de la tête mobile
2/ le grain en cuivre vissé dans le fond de la cheminée
3/ la rondelle en carton placée entre la balle et la charge.
Il est vrai que ces trois pièces, telles qu’elles sont appliquées aux armes Chassepot et à leurs munitions, présentent une très grande analogie avec celles que Manceaux a employées et dont il a donné la description et indiqué les fonctions dans divers brevets d’addition et notes explicatives.
Le Comité ne fait aucune difficulté d’admettre également que, d’après les explications fournies par les mémoires, les pièces précitées forment un rôle très important dans les armes et les munitions du système Manceaux-Vieillard.
Mais de ces faits que nul songe à contester, Manceaux passe sans transition à une affirmation entièrement distincte, savoir, qu’il est l’inventeur des trois pièces sur lesquelles portent ses réclamations et que l’application de toute pièce analogue à une arme autre que la sienne constitue un emprunt à son système et une violation de ses droits. Manceaux prétend sans doute justifier son affirmation en citant ses brevets, mais il est loisible à chacun de se faire breveter, même pour des inventions ou des applications qui sont depuis longtemps dans le domaine public, et un brevet ne constitue une propriété exclusive de l’objet breveté que quand il est valable.
Ce n’est pas au Comité de juger de la validité des brevets cités par Manceaux mais on peut opposer à ses prétentions de propriété et d’invention :
1/ pour la tige placée en avant de l’obturateur et ayant pour effet de ménager un espace libre entre le fond du tonnerre et le derrière de la cartouche, que cette disposition est connue depuis longtemps et que l’application en a été faite notamment au fusil à aiguille dont les troupes prussiennes étaient armées en 1848 et au mousqueton Arcelin qui a été mis en essai dans plusieurs corps de cavalerie en 1857. Dans le première de ces armes, le conducteur de l’aiguille se prolonge, suivant l’axe du canon, en avant de la cloison qui forme le fond du tonnerre quand l’arme est fermée, et affecte la forme d’une tige conique ou dard destinée à donner appui au derrière de la cartouche et à ménager en arrière un espace libre. Dans le mousqueton Arcelin, la pièce obturatrice porte une tige cylindrique pleine ou dard remplissant les mêmes fonctions.
Ces deux exemples bien connus suffisent pour prouver que Manceaux ne saurait en aucune façon s’attribuer l’idée première de l’espace libre réservé en arrière de la cartouche et qu’en adoptant le dard après avoir constaté l’efficacité de son usage dans le tir des armes du système Manceaux Vieillard, il n’a fait qu’imiter une disposition déjà appliquée.
2/ pour la cheminée à grain de cuivre, que depuis très longtemps le commerce emploie des grains en platine pour préserver le canal de la cheminée de l’action destructrice des gaz de la poudre.
Le perfectionnement consistant à mettre des grains aux cheminées pour prévenir la dégradation de cette pièce est dans le domaine public et chacun peut l’utiliser. Si on n’en a fait jusqu’à présent aucune application aux divers modèles d’armes de guerre en service en France, c’est que l’emploi n’en est pas nécessaire dans les conditions de calibre et de chargement de ces armes.
3/ pour la rondelle en carton, que dès que l’usage des armes se chargeant par la culasse s’est répandue, on s’est servi de cartouches dans lesquelles une rondelle en feutre ou en carton, légèrement forcée dans l’étui, sépare la poudre du projectile. Il est à peine utile de faire remarquer que des munitions de ce genre sont entre les mains de tous les chasseurs.
Le Comité regarde comme mal fondées les prétentions de Manceaux à se dire l’inventeur du dard, du grain de cheminée et de la rondelle en carton.
En surplus, nul ne peut contester à l’Etat le droit de faire expérimenter par qui lui plait et de la manière qui lui convient, une invention quelconque qui lui a été soumise dont il espère faire une utile application.
Signé de Mondésir.
Note relative aux réclamations de Manceaux contre diverses modifications apportées aux armes Chassepot, Maldan 26 avril 1864 :
Par DM du 19 mars dernier, le Ministre rappelle que, le 10 novembre 1863, il a approuvé l’avis émis par le Comité sur les réclamations de Manceaux contre diverses modifications apportées aux armes Chassepot.
A la même date, il a donné connaissance de cette approbation à Manceaux qui a répondu « qu’il se réservait de faire valoir ses droits où et quand il le jugerait opportun ».
Afin de lever les difficultés qui pourraient résulter de ses réserves, Manceaux a été mis en demeure, par acte extra judiciaire, d’avoir à s’expliquer devant le tribunal et à faire valoir, dès à présent, les droits qu’il croit avoir.
Le Ministre demande une note résumant la question et indiquant, d’une manière précise, les raisons à opposer à Manceaux ; note qui pourrait au besoin être communiquée aux juges et qui serait nécessaire pour éclaircir l’avoué et l’avocat, chargés de soutenir cette affaire devant la justice.
De tous les systèmes d’armes se chargeant par la culasse qui ont été présentés au Ministre de la guerre, les deux systèmes qui ont paru les plus propres au service de guerre sont ceux des armes Chassepot et Manceaux Vieillard.
Après des expériences préliminaires exécutés à Vincennes par les soins de la Commission permanente de tir, et dans quelques corps de cavalerie, le Ministre décida que des essais sur une grande échelle seraient faits dans les corps avec ces deux systèmes d’armes.
50 fusils, 50 carabines et 50 mousquetons de chacun des deux systèmes et 25 pistolets Manceaux-Vieillard sont aujourd’hui en expérience dans des régiments d’infanterie des bataillons de chasseurs et des régiments de cavalerie.
Dans les armes MV, l’obturation est produite par le contact d’une virole en acier, conique, sur la paroi intérieure du canon : ce contact devient une pression énergique sous l’action des gaz, lors de la déflagration de la charge.
La virole est creuse et un cône plein en acier s’appuyant sur les bords de la virole, tend à se dilater quand la pression des gaz le chasse en arrière, c’est ce qui produit l’obturation.
« Le cône plein est surmonté d’une tige tronconique d’environ 10 mm de hauteur. Cette tige est destinée à supporter la cartouche par son centre, de telle sorte qu’il reste un espace vide entre le bouton plein du verrou et le derrière de la cartouche : cet espace est donné à la dilatation des gaz qui, après avoir été prendre leur point d’appui sur le bouton du verrou, réagissent en avant et entrainent la balle et tous les débris non encore consumés de l’enveloppe de la cartouche » (extrait du brevet pris le 7 juin 1858 par MM Manceaux et Vieillard).
Dans les armes Chassepot, l’obturation est produite par la dilatation d’une rondelle de caoutchouc placée à l’extrémité du verrou mobile. Dans le principe, le caoutchouc était surmonté d’une rondelle plate et la communication du feu avait lieu à 15 mm environ du fond de la cartouche. Des difficultés de chargement s’étant produites, la Commission permanente de tir, chargée d’en étudier les causes, l’attribua à la position du canal de lumière relativement au fond de la cartouche et, pour y remédier, ne pouvant pas déplacer le canal de lumière, ni changer les verrous mobiles, elle proposa le 11 juin 1863 de surmonter le caoutchouc d’une rondelle d’acier portant en son centre un dard à sommet élargi, destiné à pousser la cartouche en avant dans la chambre pour que le jet de flamme de la capsule vienne frapper la cartouche et enflammer la charge à l’arrière. Cette proposition a été admise, et les armes actuellement en expérience, ont subi la modification proposée.
Dans les deux systèmes, les cheminées sont munies à la base du canal de grains en cuivre, destinés à les préserver de l’action corrosive des gaz de la charge.
La cartouche de MV se compose d’un étui en papier qui renferme la balle et la poudre, et a pour déterminer infailliblement la sortie du pli ou du nœud de papier et de fil qui forme la cartouche, les inventeurs ont, après l’introduction de la balle dans la cartouche, placé sous la base une rondelle de carton : l’effet de cette rondelle est d’empêcher d’abord le contact direct des gaz enflammés sur le derrière du projectile et la déformation qui en résulterait pour lui. Il est compréhensible que la charge d’une arme de guerre doit être considérable pour donner au projectile une longue portée et une trajectoire tendue, surtout lorsqu’il a à vaincre la résistance du frottement dans une arme rayée. Or, la masse de gaz développée ne peut manquer d’agir sur la matière malléable, fusible du projectile, de le déformer et de détruire son équilibre, et conséquemment sa justesse. Cet effet se fait surtout sentir sur les projectiles de petit calibre dont la surface est très réduite et conséquemment plus sensible à l’action des gaz.
« Cette rondelle a encore un autre effet : traversée par son centre d’une tige en laiton qui y est agrafée par une extrémité, et qui par l’autre, est passée dans le nœud qui ferme la cartouche, elle sert, entrainée par les gaz qui la chassent avec le projectile, à emporter le nœud du papier auquel elle est reliée et à débarrasser la chambre et le tube du canon de tous résidus qui nuiraient au chargement successif de l’arme » (extrait du brevet pris le 7 juin 1858).
La cartouche Chassepot se compose d’un étui en papier qui renferme la poudre et la balle et que l’on sertit dans une cannelure pratiquée sur le pourtour du projectile. Entre la poudre et la balle est une rondelle de carton destinée à assurer la conservation de la cartouche, en préservant le plomb de l’action oxydante de la poudre et à régulariser la pression des gaz sur la base de la balle lors de l’inflammation de la charge.
Les armes et cartouches Chassepot ayant été confectionnées dans les établissements de l’artillerie, Manceaux conteste à l’Etat le droit d’appliquer à ces armes :
1/ le dard placé à l’avant de la tête mobile
2/ le grain en cuivre dans la cheminée
3/ de placer une rondelle en carton dans la cartouche.
Il appuie sa protestation, sur ses droits de propriété, attesté, selon lui, par le brevet du 7 juin 1858, qui a été cité plus haut textuellement, en ce qui concerne le dard ou tige placée au sommet de l’obturateur et la rondelle avec tige de laiton ;
Et pour le brevet qu’il a pris le 5 décembre 1861 et dans lequel il est dit : que, pour empêcher la dégradation des cheminées par l’action des gaz de la poudre, il a introduit et vissé au centre de la base un grain en platine ou cuivre rouge au travers duquel passe le trou central de la cheminée. Au moyen de ce grain inoxydable, les parois du trou de la cheminée sont préservées contre l’effet corrosif des gaz de la charge qui se projettent par cette issue.
Il est facile de réfuter les protestations de Mr Manceaux et de prouver qu’elles n’ont aucun fondement. Manceaux s’est fait breveter pour des applications de procédés qui sont dans le domaine public depuis un grand nombre d’années, comme on va le démontrer :
1/En ce qui concerne la tige placée en avant de l’obturateur et ayant pour effet de ménager un espace vide entre le fond du tonnerre et l’arrière de la cartouche.
A la suite d’expériences nombreuses et couronnées de succès, le sieur Dreyse, ancien serrurier, aujourd’hui conseiller de commerce en Prusse et directeur de la manufacture d’armes de Sommerda, parvint en 1841 à faire adopter son système d’armes par le gouvernement prussien, et à obtenir une commande de 60 000 fusils au prix de 15 thaler (56,25 frcs) la pièce.
Or, ces fusils sont les fusils à aiguille qui arment aujourd’hui toute l’infanterie Prussienne et qui armaient déjà les régiments de la Garde en 1848 lors des combats qui eurent lieu à Dresde et dans le Duché de Baden.
La description de cette arme est donnée avec planches explicatives tout au long dans le manuel Roret, édition de 1852.
Page 663 du tome II ligne 9 et suivantes on lit : qu’en arrière de la partie du tonnerre qui contient la cartouche, il existe un espace dans la culasse mobile qu’on appelle chambre postérieure, elle a pour destination de recevoir les résidus de la cartouche et de renfermer un certain volume d’air qui, par son élasticité, amortit le recul de l’arme et, par la haute température à laquelle il est porté, réagit en se dilatant pendant l’explosion et imprime une impulsion additionnelle au projectile ».
Le rapprochement entre les termes et ceux du brevet du 7 juin 1858 est à remarquer. Manceaux ménage un espace libre en arrière de la cartouche et il dit : « cet espace est donné à la dilatation des gaz qui, après avoir été prendre leur point d’appui sur le fond du verrou, réagissent en avant et entrainent la balle, et tous les débris non encore consumés de l’enveloppe de la cartouche ».
Je cite le manuel Roret pour constater la publicité qu’avait reçue en France en 1852 le système du fusil Prussien.
Mais quand bien même le manuel de l’armurier n’aurait pas donné l’explication détaillée et les dessins complets de cette arme, peut-on considérer comme inconnu et n’appartenant pas au domaine public, un système d’arme dont une armée voisine possède, depuis 16 ans, plus de 200 000 spécimens, et dont elle s’est servi en 1848 sur nos propres frontières ?
Or, dans le fusil Prussien, la chambre ou espace vide, située en arrière de la cartouche, quand l’arme est chargée, a 26 mm de hauteur et 16 mm de diamètre, au centre se trouve une tige ou dard de 26 mm de hauteur et de 5 mm de diamètre.
Dans l’arme MV, la chambre ou espace vide, située en arrière de la cartouche quand l’arme est chargée, a 12,5 mm de hauteur et 14,5 mm de diamètre ; la tige ou dard qui se trouve au centre a 12 ?5 mm de hauteur et 6 mm de diamètre.
Ces deux dispositions ne sont-elles pas d’une similitude frappante ? La chambre est plus petite dans l’arme MV que dans le fusil Prussien mais cette différence de capacité peut-elle justifier la validité d’un brevet ?
On n’a du reste parlé jusqu’ici que du fusil Prussien, parce que c’est l’exemple le plus frappant par son ancienneté et par la publicité dont il a été l’objet.
Mais il existe d’autres armes encore qui présentent des dispositions semblables pour le vide ménagé en arrière de la cartouche et qui sont antérieures à l’époque à laquelle le brevet MV a été pris.
Nous citerons par exemple le mousqueton à culasse mobile :
Le 30 mars 1857 la MAC recevait l’ordre de construire sous la direction du général Arcelin, 100 mousquetons à culasse mobile, dont la pièce obturatrice présente une disposition tout à fait semblable à celle que revendique Manceaux et pour laquelle il a pris le brevet du 7 juin 1858.
En effet, dans ce mousqueton, il existe en arrière de la cartouche une chambre de 14 mm de diamètre et de 23 mm de hauteur : au centre de cette chambre est une tige ou dard ayant la même hauteur que la chambre et 10 mm de diamètre.
Si, dans le fusil Prussien, le volume de la chambre ménagée en arrière de la cartouche est beaucoup plus grand que celui de la chambre semblable au fusil MV, dans le mousqueton à culasse mobile, ce volume est presque identique à celui de la chambre de la dernière arme.
En effet, si l’on calcule ces deux volumes d’après les données que nous avons rapportées pour les deux armes, on trouve les résultats suivants :
Volume de la chambre, système à culasse mobile : 1,73 cm 3
Volume de la chambre, système MV : 1,71 cm3
On peut considérer ces deux volumes comme identiques.
Ainsi, antérieurement à l’époque où MV ont pris un brevet pour la chambre ménagée en arrière de la cartouche au moyen d’une tige centrale, sur l’extrémité de laquelle s’appuie l’arrière de la cartouche, il existait deux systèmes d’armes présentant la même disposition, l’un qui constitue au su et vu de toute l’Europe l’armement des troupes prussiennes depuis seize ans, et l’autre, dit mousqueton à culasse mobile dont 100 exemplaires ont été fabriqués par ordre ministériel à la MAC en 1857.
Dans le fusil prussien, la capacité de la chambre est de 4,79 cm3, dans le mousqueton à culasse mobile 1,73 et dans l’arme MV 1,71.
Dans ces trois armes, le but de la chambre est de réserver un espace libre en arrière de la cartouche, pour augmenter la réaction des gaz sur la cartouche lors de la déflagration de la charge.
Dans le mousqueton Chassepot, pour que le jet de flamme de la capsule vienne frapper la cartouche et enflammer la charge à l’arrière, on a placé en avant de la rondelle de caoutchouc, une rondelle en acier portant en son centre une tige ou dard à sommet élargi.
La capacité de la chambre ainsi ménagée en arrière de la cartouche est de 1,7 ! cm3, c’est-à-dire sensiblement la même que dans le mousqueton à culasse mobile et le fusil MV.
L’Etat n’a-t-il pas le droit de faire à ses armes l’application de procédés dont il s’est déjà servi en 1857 lors de l’établissement des mousquetons à culasse mobile et qui sont appliqués au fusil de l’armée prussienne depuis 1841 ? et quelle valeur peut-on accorder aux protestations de Manceaux qui ne s’appuient que sur un brevet pris le 7 juin 1861 pour une application déjà faite aux armes de guerre du gouvernement prussien depuis 1841 ?
2/ En ce qui concerne le grain en cuivre placé à la base de la cheminée.
Depuis très longtemps, le commerce emploie des grains en métal inoxydable pour préserver le canal de la cheminée de l’action corrosive des gaz.
Le perfectionnement consistant à mettre des grains aux cheminées pour prévenir leur dégradation est dans le domaine public et chacun peut l’utiliser.
Les lettres jointes à la note et qui ont été adressées au DC (atelier des modèles d’armes) par Mr Perrin, arquebusier 51 rue Lafitte et Mr Lepage Moutier arquebusier 8 rue Richelieu, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard.
Si, jusqu’à présent, on n’a pas placé de grains aux cheminées des armes de guerre en service en France, c’est que l’emploi n’en est pas nécessaire dans les conditions de calibre et de chargement de ces armes.
On a peine à comprendre comment, ou plutôt dans quel but, Manceaux pris en 1861 (5 décembre) un brevet pour visser des grains en platine ou en cuivre rouge à la base de la cheminée, car, fabricant d’armes depuis plus de vingt ans et ayant même été recevoir et livrer des commandes d’armes en Suisse où ce procédé est non seulement employé mais prescrit par arrêté du Conseil fédéral en date du 13 mai 1851, il ne pouvait ignorer, en 1861, que cette application fut en usage depuis très longtemps en France et à l’étranger.
3/ En ce qui concerne l’emploi de la rondelle en carton interposée entre la poudre et la balle.
La rondelle en carton de MV porte en son centre une tige de laiton qui traverse toute la charge de poudre et dont l’extrémité est tordue avec l’excédant de papier de l’étui. Par ce moyen, la tige en laiton, chassée en même temps que la rondelle en carton à laquelle elle est fixée, entraine avec elle le nœud de papier dans lequel elle est tordue et, avec ce nœud, les débris de l’enveloppe de la cartouche qui ne sont pas consumés.
Il y a là une idée plus ou moins heureuse qui paraît nouvelle et qui peut appartenir à MV. Mais la rondelle de la cartouche Chassepot n’a pas de tige en laiton, c’est une rondelle analogue à toutes les rondelles de feutre ou de carton qui se trouvent dans toutes les cartouches Lefaucheux et autres.
Dès que l’usage des armes se chargeant par la culasse s’est répandu, on s’est servi de cartouches dans lesquelles une rondelle en feutre ou en carton, légèrement forcée dans l’étui, sépare la poudre du projectile.
Même avec les armes qui se chargent par la bouche et qui sont connues vulgairement sous le nom de fusils à baguette, un très grand nombre de chasseurs employent des rondelles de feutre ou de carton en guise de bourre pour séparer la poudre de la balle, ou du plomb suivant le cas.
Ces rondelles ne sont à proprement parler, que des bourres faites d’avance, ayant une épaisseur régulière et tenant moins de place que les bourres en papier froissé.
Les fabricants de cartouches de Paris, Gévelot, Chaudun, Schneider, etc seraient étonnés si on venait, en vertu d’un brevet pris le 7 juin 1858, leur contester le droit de mettre des rondelles en carton dans leurs cartouches. Ils l’ont toujours fait et tout le monde le faisait longtemps avant eux.
La rondelle de la cartouche Chassepot est du même genre que toutes celles qui sont employées par les fabricants de cartouches, et n’a rien qui ressemble à la tige de laiton de la rondelle MV.
Sur ce point, comme sur les deux autres précédents, les protestations de M sont sans aucune valeur.
Signé Maldan, chef d’escadron d’artillerie, Directeur de l’atelier des modèles d’armes.
Affaire Manceaux, Paris, le 5 août 1865, Ministère (Maldan) à Président Comité :
Les cinquante fusils de dragon avec sabre baïonnette sont arrivés samedi dernier au DC. Je les ai visités suivant votre désir et je n’ai eu que deux observations générales à faire :
1/ les fusils n’avaient pas de rondelle obturatrice en caoutchouc.
2/ l’extrémité de la soie, au lieu d’être rivée sur la calotte, était filetée et un petit écrou réunissait la lame à la monture.
J’ai fait venir des rondelles et les armes en sont toutes pourvues.
J’ai fait enlever les écrous et river les soies.
J’ai été occupé toute la semaine avec le procès Manceaux.
Le mémoire que j’ai fait pour être remis aux membres de la cour, et qui est peut être un peu long, a été imprimé d’urgence et chaque conseiller en a reçu un exemplaire mardi.
Jeudi nous avons eu une longue séance de tir au polygone de Vincennes devant toute la cour.
Le général de Bentzmann y assistait ainsi que les officiers de la commission permanente de tir. Mr Manceaux et son avocat, l’avoué et l’avocat du Ministre étaient là.
On a tiré le fusil prussien, le mousqueton Arcelin, le fusil Manceaux, le fusil Chassepot et je crois que les résultats ont été satisfaisants.
Mr Manceaux était furieux en quittant le polygone.
Lundi prochain, Mr de Vallée, premier avocat général donnera les conclusions devant la cour et nous aurons le jugement définitif dans la huitaine.
J’avais préparé pour la séance de tir plusieurs petits engins qui ont servi à mettre en évidence la fausseté des allégations de Manceaux et qui d’après moi, ne doivent laisser substituer aucun doute sur nos droits.
J’ai des nouvelles de la MAC, je pense que les deux armes à aiguille pourraient être terminées, moins les rayures, pour la fin de la semaine prochaine.
Affaire Manceaux, Paris 1er septembre 1865, Ministère (Maldan) à Général de division, aide de camp de l’Empereur, président Comité artillerie :
Comme j’ai eu l’honneur de vous l’annoncer dans ma dernière lettre j’ai fait une séance de tir à Vincennes le 30 août. Je vous envoie ci-joint le résultat du tir.
Bien que jusqu’à 600 m les armes de 11 mm et 11,5 mm aient été tirées par Chassepot et par moi, les % ne laissent pas que d’être satisfaisants surtout avec l’arme de 11,5 mm.
A 800 m, cette dernière arme tirée par le capitaine Prébaron a donné 45 % par rapport au point visé dans une cible de 2 m de côté.
J’ose espérer que sous le rapport de la justesse vous serez satisfait et que vous trouverez bon et valable le mariage du mécanisme à aiguille avec les données de l’arme de 11,5 de la commission permanente.
Pour le dragon, j’ai tiré deux balles différentes qui ont marché, l’une comme l’autre, et en somme la justesse est belle puisqu’elle est de 65,5 % par rapport au point visé, et de 96,2 % par rapport au point moyen à 400 m.
Il y a bien peu d’armes de précision de prix très élevé qui puissent donner des résultats pareils et je crois pour ma part que (tout en continuant à demander mieux) on doit se trouver satisfait en ayant la certitude d’avoir sous la main des modèles d’armes susceptibles d’une tension et d’une justesse aussi belles.
A 800 m, les balles des fusils à aiguille arrivent sur la plaque avec une très grande force, chaque balle est réduite, après le choc, à une petite rondelle de plomb du poids de 4 à 5 grammes.
Mr le colonel Petit vient de me remettre votre lettre du 30 août dans laquelle vous me parlez de l’arrêt de la Cour impérial. Comme vous, mon général, je ne suis pas très satisfait des considérants de l’arrêt, principalement de leur forme, mais je ne crois pas cependant qu’il puisse en résulter de nouveaux procès, malgré l’amour de la chicane qui distingue l’honnête Mr Manceaux. L’arrêt dit en toutes lettres « met l’appellation et ce dont est appel au néant, en ce qu’il a été décidé que le certificat d’addition du 7 juin 1858 était sans valeur aucune quant à la chambre ménagée en arrière de la cartouche au moyen d’une tige centrale ; … déclare nul le certificat sus daté en tant qu’il a pour objet de constituer Manceaux et Vieillard inventeurs de la chambre ou espace vide et de la tige adaptée au fond du tonnerre ».
Nous avons donc le droit d’avoir des armes avec chambre ménagée en arrière de la cartouche au moyen d’une tige centrale, et pourvu que nous ne prenions pas la tige de Manceaux avec la forme et les dimensions il n’a rien à nous dire.
Pour rien au monde, il ne faut entrer en composition avec lui.
Nous avons pour nous le droit, et l’arrêt de la cour, nous sommes invincibles si la cour nous a condamnés aux quarts des dépens, c’est un peu pour ne pas faire comme les 1ers juges, un peu pour ménager Manceaux et sa camarilla qui est puissante. Elle s’y est pris du reste assez spirituellement en ayant l’air d’attribuer à la forme de la tige décrite par Manceaux dans son brevet, le résultat de l’expulsion des résidus de la cartouche et en lui conservant la propriété de cette forme. C’est ce que l’avocat de Manceaux avait plaidé, on lui reconnaît le droit exclusif de faire les tiges cylindriques de 10 mm de hauteur et de 6 mm de diamètre mais toutes les autres tiges sont dans le domaine public, et par conséquent on ne gêne personne.
Je vous donnerai à ce sujet toutes les explications que vous pourrez désirer. Déjà j’ai eu une conférence avec le général Susane qui pense aussi que nous n’avons rien à craindre de Mr Manceaux et que nous pourrons continuer nos essais sans plus nous inquiéter de ce vilain homme.
Affaire Manceaux : Carabine Manceaux : Paris le 5 août 1864, Maldan à Président Comité :
J’ai lu avec attention la lettre adressée à l’Empereur par Manceaux le 15 juillet dernier.
On peut la résumer ainsi :
Mr Manceaux a présenté le 15 juin 1863 trois carabines au Ministre de la guerre. Ces trois armes analogues aux 175 armes du système Manceaux Vieillard qui sont en essai dans les corps, diffèrent de ces dernières, et entre elles, par le canon qui a été plus ou moins renforcé pour donner plus de poids à l’arme déjà lourde, et pour permettre l’emploi de charges plus fortes.
Mr Manceaux prétend n’avoir reçu aucune réponse du Ministre au sujet de la proposition, cette affirmation est contraire à la vérité, le Ministre lui a accusé réception le 19 juin 1863.
Le 8 septembre 1863, Manceaux adresse un mémoire au ministre, par lequel il offre de faire établir à ses frais dix ou vingt armes de chacun des modèles présentés le 15 juin et il demande que ces armes soient mises en essai dans les corps déjà chargés d’expérimenter les 175 armes précitées.
Il lui fut répondu que l’examen de ses trois dernières armes avait été déféré au Comité de l’artillerie.
Le 8 octobre 1863, nouvelle lettre de Manceaux au Ministre renouvelant l’offre du fournir des armes à canon renforcé pour être mises en essai et proposant en outre de supporter la dépense de 50 000 cartouches pour donner plus d’extension aux expériences en cours d’exécution.
Nouvelle réponse du Ministre informant Manceaux que les modèles présentés étaient soumis à l’examen du comité et qu’il y avait lieu d’attendre l’avis du Comité.
« depuis cette époque, dit Manceaux, il ne m’a été notifié aucune décision sur ma proposition présentée ». il termine sa lettre en appelant la protection de l’Empereur sur une invention et des perfectionnements qui intéressent le service public et l’Empereur.
Une des dernières phrases de la lettre mérite d’être rapportée textuellement : « J’invoque en faveur de ma proposition le préjugé favorable de l’examen approfondi du Comité sur l’avis duquel l’essai de mon système d’armes a été ordonné ; celui non moins favorable d’expériences commencées depuis une année dans les corps et qui, en confirmant les premiers résultats constatés par le conseil d’instruction de l’ENT, ont démontré la solide construction de mes armes ».
Dans ce factum, Manceaux se pose en inventeur désintéressé, victime de la partialité, ou tout du moins, du mauvais vouloir du Ministre.
Voici maintenant la vérité :
En 1862, le Ministre a fait fabriquer 175 armes système Manceaux Vieillard qui ont couté plus de 18 000 francs. Ces armes ont été mises en essai dans les corps afin de juger de leur convenance dans le service et l’efficacité du système obturateur.
Dès les premières séances d’expériences on a signalé certains inconvénients qui autorisaient le Ministre à penser que son système d’armes était loin d’être parfait.
Plusieurs corps se plaignaient que l’obturation était incomplète dans quelques armes, qu’il se produisait des crachements de gaz dangereux pour le tireur, que le système était d’un entretien délicat et compliqué, que les réparations étaient difficiles à exécuter, etc.
Aussi, quand Manceaux vint proposer le 8 septembre et le 8 octobre de fournir de nouvelles armes ayant le même système d’obturation que les précédentes, le Ministre dit d’attendre le rapport des corps chargés des essais pour savoir si le système avait des chances de réussite avant de prendre une décision relative aux nouvelles armes de Manceaux.
Sur ces entrefaits, Manceaux qui avait eu vent de l’insuccès de ses armes dans les corps, intente un procès au Ministre pour faire suspendre les essais qui se sont fait avec les armes Chassepot concurremment avec les siennes.
Le prétexte qu’il imagine pour motiver son procédé inqualifiable, est que dans les armes Chassepot on ménage un vide en arrière de la cartouche au moyen d’une tige qui termine le verrou mobile, que l’on place une rondelle de carton entre la poudre et la balle, et que l’on met des grains de cuivre aux cheminées. Toutes choses pour lesquelles il se prétend dûment breveté, tandis qu’elles sont dans le domaine public, l’une depuis plus de vingt ans, et les autres depuis qu’on emploie des armes à piston.
L’affaire est en instance depuis plusieurs mois devant la 1ere chambre du tribunal civil de la Seine.
Depuis que le procès est intenté, le Comité a donné son avis :
1/ à la date du 21 mars 1864 sur la demande d’essai des nouvelles armes présentées par Manceaux.
2/ à la date du 2 juin 1864 sur les rapports des corps chargés des essais comparatifs.
Dans la délibération du 21 mars, le Comité propose de faire essayer les armes présentées par la Commission permanente de tir à Vincennes afin de s’assurer que l’augmentation de charge ne peut pas compromettre la sûreté de l’obturation et devenir une cause de danger pour le tireur. Ces précautions sont toujours prises avant de mettre un système d’armes quelconque en expérience dans les corps.
Dans la délibération du 2 juin le Comité émet l’avis que le système d’armes Manceaux Vieillard ne semble pas propre au service de guerre,
Que les expériences qui ont eu lieu dans les corps peuvent être considérées comme terminées,
Et que rien ne s’oppose à ce que ces armes soient versées dans les magasins de l’Etat.
En présence de cet avis définitif, les expériences des dernières armes présentées devenaient inutiles ainsi que les premiers rapports des corps l’avaient fait pressentir au Ministre.
Mais pour éviter que Manceaux ne dise que le rejet de son système vient du sentiment vindicatif du Ministre, le Ministre a-t-il laissé continuer les expériences qui durent depuis plus d’un an dans les corps avec les 175 armes et attend-il patiemment le jugement du tribunal pour informer Manceaux des décisions qu’il a prises relativement aux armes actuellement en essai, et à celles qui ont été présentées en dernier lieu.
…
la liquidation de l’entreprise de la MAT qu’il a gérée pendant 18 ans a laissé de trop récents souvenirs pour qu’on ne se tienne pas toujours en garde contre cet industriel et le Ministre a agi avec la réserve et la prudence que la connaissance du personnage lui importait, en suspendant tout rapport avec Manceaux jusqu’à ce que le tribunal se prononce.
Courriers divers concernant Manceaux :
Paris, 20 août 1863, Ministre à Comité :
Je vous adresse ci-joint un mémoire établi sous forme de lettre par Manceaux pour protester contre l’application aux armes du système Chassepot de perfectionnements dont il se prétend l’inventeur et le propriétaire.
Mettre ce mémoire à l’examen du comité.
Note relative à une protestation de Manceaux au sujet de divers éléments des armes du système Chassepot (Chassepot 29 mars 1864) :
Si l’on consulte le brevet pris par Manceaux à la date du 17 juin 1858, on voit :
1/ que ce sont les résidus souvent enflammés, restant dans la chambre et apportant un véritable obstacle au chargement de l’arme qui ont déterminé cet inventeur à ménager un espace vide entre le bouton plein du verrou et le derrière de la cartouche.
2/ que cet espace comme le prétend Manceaux est donné à la dilatation des gaz qui, après avoir été prendre leur point d’appui sur le bouton du verrou réagissent en avant et entraînent la balle et tous les débris non encore consumés de l’enveloppe de la cartouche.
On reconnaît comme Manceaux les avantages qui sont la conséquence du vide ainsi fait derrière la cartouche, mais on lui conteste le mérite d’avoir inventé cette disposition ainsi que la prétention d’en revendiquer exclusivement la propriété par la prise d’un brevet.
En effet, le manuel … 1852, seconde partie, renferme dans la description du fusil à aiguille prussien, différents passages qui démontrent surabondamment le but et les avantages du vide fait dans la chambre à la partie correspondante au derrière de la cartouche, on serait même tenté de croire que Manceaux s’est inspiré de la lecture de cette description pour donner à son arme les dispositions qui font l’objet de sa protestation et pour lesquelles il s’est ensuite fait breveter.
Le vide fait à l’arrière de la cartouche n’est donc pas une chose inventée dernièrement, restait à limiter ce vide d’une manière régulière. Or, dans le fusil à aiguille prussien, nous remarquons que le conducteur de l’aiguille est l’intermédiaire au moyen duquel on obtient ce résultat, en effet, l’extrémité de ce conducteur sur ce point d’appui à la cartouche, qui, sans cette disposition, tomberait dans la chambre postérieure (le diamètre de cette chambre est égal à celui de la chambre antérieure 17 mm) et détruirait ainsi le vide qu’on a voulu y produire.
Manceaux, en surmontant le cône plein d’une tige tronconique ou dard, n’a donc fait, à mon avis, que reproduire une disposition déjà connue, de cela les effets sont les mêmes et qui depuis a été appliquée de nouveau aux mousquetons Arcelin mis en essai en 1857.
Pour ce qui est relatif aux rondelles en carton, je n’ai rien à ajouter aux observations faites par le Comité dans son rapport du 1er novembre 1863.
Quant à la cheminée à grain de cuivre, j’ajouterai aux observations du Comté que l’application en a été faite à une époque antérieure à la prise du brevet de Manceaux.
En effet, l’ENT recevait le 16 décembre 1858 une collection d’armes suisses au nombre desquelles il existe une carabine ayant la cheminée garnie de grains en cuivre rouge. Cette nouvelle application, répandue en France dès cette époque et appliquée en Suisse aux armes de guerre de petit calibre suffit à mon avis pour contester la validité du brevet pris par Manceaux à la date du 5 décembre 1861.
Rapport Comité 1er novembre 1863 sur brevets Manceaux :
Par dépêches en date du 20 août et du 23 octobre dernier, le Ministre a renvoyé à l’examen du Comité deux mémoires qui lui ont été adressés par Manceaux et dans lesquels cet industriel proteste contre l’application aux armes du système Chassepot de perfectionnements dont il se dit l’inventeur et le propriétaire.
Dans son premier mémoire, il conteste au département de la guerre le droit d’appliquer aux armes Chassepot les pièces suivantes :
1/ le dard placé à l’avant de la tête mobile de l’obturateur
2/ le grain en cuivre vissé à la base de la cheminée.
Relativement au dard de la tête mobile, Manceaux expose que le 27 décembre 1858 il a remis au DC une collection d’armes se chargeant par la culasse d’un système inventé par Vieillard et par lui. Cette collection était accompagnée d’un mémoire descriptif se terminant par le paragraphe suivant :
« Enfin, comme il a été observé que l’action des gaz de la charge avait pour effet de faire adhérer au fond du tonnerre le derrière de la cartouche, le cône plein obturateur a été surmonté d’une tige conique de 12 mm environ de hauteur. C’est sur l’extrémité de cette tige que repose la cartouche, en sorte qu’il existe un espace vide entre la cartouche et le fond du tonnerre. Au moyen de cet appendice, les gaz, après avoir frappé le cône plein du verrou, réagissent en avant et emportent avec la balle les résidus de la cartouche restés suspendus sur la tige conique. Ces derniers perfectionnements ont complété le système, ils ont rendu possible la forte charge, la grande tension de la trajectoire, assuré la justesse continue du tir et la marche constante du système de clôture sans embarras ni obstacle ».
Manceaux ajoute que cet appendice indispensable dont sont pourvues toutes les armes livrées par lui à l’Etat, n’a été imaginé par les inventeurs qu’après 18 mois d’études entreprises dans le but de faire disparaître l’amas de résidus qui se formait au fond de la chambre. Ce perfectionnement a été décrit en date du 7 juin 1858 dans un certificat d’addition au brevet du 3 novembre 1856 relatif au système d’obturation et fait partie d’un ensemble de dispositions dont Manceaux s’attribue la propriété exclusive.
Après cet exposé, Manceaux relate que, les résultats de tir obtenus avec les armes Chassepot en essai dans les corps ayant été très défectueux, le département de la guerre a fait apporter diverses modifications à ces armes, et notamment a envoyé aux corps, vers la fin de juillet dernier, une collection de têtes mobiles d’un nouveau modèle destinées à remplacer celles qui avaient été primitivement employées.
Les premières têtes mobiles se terminaient en avant par un disque qui formait le fond du tonnerre et sur lequel reposait le derrière de la cartouche, tandis que les nouvelles têtes mobiles sont surmontées d’une tige qui ménage un espace vide entre le fond du tonnerre et le derrière de la cartouche.
Manceaux prétend que cette tige a été empruntée à son système. « j’avais appris, dit-il, que la Commission permanente de Vincennes avait fait appliquer à quelques armes Chassepot cette tige si efficace qui appartient au mien. Comme il ne s’agissait que d’expériences de polygone, je me suis abstenu d’élever alors aucune réclamation, mais aujourd’hui que le Département de la guerre semble avoir pris le parti de s’attribuer l’usage d’un organe précieux de mon système pour l’appliquer à des armes d’un système étranger, je viens protester auprès de vous contre cette usurpation que Votre Excellence cessera d’autoriser, j’en suis assuré, après avoir été personnellement instruite de la valeur de l’emprunt qui m’a été fait et de mes droits virtuellement et incontestablement établis ».
Passant ensuite à l’examen de la cheminée des armes Chassepot, Manceaux prétend que le grain en cuivre dont elle est munie à la base est un perfectionnement de son invention qui lui appartient en vertu d’un brevet pris le 5 décembre 1861.
« Ce perfectionnement consiste dans l’introduction d’un grain en platine, cuivre ou tout autre métal inoxydable au centre des cheminées des armes à feu. Jusqu’alors, on s’était contenté de garnir d’un grain en platine ou en cuivre le fond du logement de la cheminée pour prévenir l’altération du trou de communication par l’action des gaz, mais cette précaution est insuffisante dans les armes à balle forcée ».
Enfin, Manceaux termine son premier mémoire dans les termes suivants : « Votre Excellence reconnaîtra certainement que, lorsque j’ai rempli les formalités exigées par la loi, la propriété des perfectionnements qui sont le résultat de mon travail et de mon expérience doit être respectée et profiter seulement aux armes que je produis. Chacun sait que Votre Excellence est pénétrée d’un sentiment trop profond d’impartialité et de justice pour permettre, lorsque deux systèmes d’armes différents sont mis concurremment en essai pour être soumis à un jugement définitif, que l’un d’eux soit arbitrairement doté avec le concours de l’administration des éléments de perfection et de succès qui appartiennent à l’autre.
Par ces motifs, je prie V.E. de vouloir bien ordonner que les obturateurs à tige concentrique (tête mobile à dard) et les cheminées à grain de métal inoxydable appliqués aux armes du système Chassepot mises en essai dans les corps soient retirés de ces armes ».
Dans son second mémoire, Manceaux expose qu’il a appris que le département de la guerre fait fabriquer à la MAC des carabines du système Chassepot avec diverses modifications ayant pour objet d’améliorer les résultats fournis par ces armes. N’ayant reçu aucune réponse à son premier mémoire, et craignant qu’on ne persévère dans la voie des emprunts à son système, il se voit contraint de faire connaître au Ministre qu’il s’oppose de la manière la plus formelle à toute application des organes et procédés qui lui appartiennent aux armes du système Chassepot en cours de fabrication à la MAC, il réitère en même temps la prière au ministre de faire enlever des armes Chassepot en essai les têtes mobiles à dard et les cheminées à grain en métal inoxydable qui y ont été appliqués en violation de ces droites de propriété.
Manceaux élève encore une nouvelle réclamation, il s’oppose à l’emploi, dans les cartouches confectionnées pour les essais des armes Chassepot, de la rondelle placée entre la base du projectile et la charge de poudre, rondelle dont les fonctions sont spécifiées, ainsi qu’il suit, dans le certificat d’addition à mon brevet en date du 7 juin 1858 et dans la note remise au DC le 27 décembre suivant :
« Une rondelle en carton d’environ 4 mm d’épaisseur a été placée derrière la balle après son introduction dans le tube en papier formant l’enveloppe de la cartouche. Le rôle de cette rondelle est en premier lieu de servir d’intermédiaire entre le projectile et la charge, et conséquemment d’empêcher cette dernière d’agir directement sur la matière amollie du premier. Cette rondelle, d’un diamètre légèrement supérieur à celui de la base de la balle, a pour autre avantage de ramasser le suie du coup précédent et de la jeter hors du canon ».
Enfin, Manceaux termine son second mémoire en exprimant l’espoir que le Ministre reconnaîtra l’urgence d’une décision sur cette question de droit et de propriété.
Des deux mémoires renvoyés à l’examen du Comité, il résulte que Manceaux proteste contre l’application aux armes Chassepot et à leurs munitions, des trois pièces suivantes dont il se dit l’inventeur :
1/ le dard placé à l’avant de la tête mobile
2/ le grain en cuivre vissé dans le fond de la cheminée
3/ la rondelle en carton placée entre la balle et la charge.
Il est vrai que ces trois pièces, telles qu’elles sont appliquées aux armes Chassepot et à leurs munitions, présentent une très grande analogie avec celles que Manceaux a employées et dont il a donné la description et indiqué les fonctions dans divers brevets d’addition et notes explicatives.
Le Comité ne fait aucune difficulté d’admettre également que, d’après les explications fournies par les mémoires, les pièces précitées forment un rôle très important dans les armes et les munitions du système Manceaux-Vieillard.
Mais de ces faits que nul songe à contester, Manceaux passe sans transition à une affirmation entièrement distincte, savoir, qu’il est l’inventeur des trois pièces sur lesquelles portent ses réclamations et que l’application de toute pièce analogue à une arme autre que la sienne constitue un emprunt à son système et une violation de ses droits. Manceaux prétend sans doute justifier son affirmation en citant ses brevets, mais il est loisible à chacun de se faire breveter, même pour des inventions ou des applications qui sont depuis longtemps dans le domaine public, et un brevet ne constitue une propriété exclusive de l’objet breveté que quand il est valable.
Ce n’est pas au Comité de juger de la validité des brevets cités par Manceaux mais on peut opposer à ses prétentions de propriété et d’invention :
1/ pour la tige placée en avant de l’obturateur et ayant pour effet de ménager un espace libre entre le fond du tonnerre et le derrière de la cartouche, que cette disposition est connue depuis longtemps et que l’application en a été faite notamment au fusil à aiguille dont les troupes prussiennes étaient armées en 1848 et au mousqueton Arcelin qui a été mis en essai dans plusieurs corps de cavalerie en 1857. Dans le première de ces armes, le conducteur de l’aiguille se prolonge, suivant l’axe du canon, en avant de la cloison qui forme le fond du tonnerre quand l’arme est fermée, et affecte la forme d’une tige conique ou dard destinée à donner appui au derrière de la cartouche et à ménager en arrière un espace libre. Dans le mousqueton Arcelin, la pièce obturatrice porte une tige cylindrique pleine ou dard remplissant les mêmes fonctions.
Ces deux exemples bien connus suffisent pour prouver que Manceaux ne saurait en aucune façon s’attribuer l’idée première de l’espace libre réservé en arrière de la cartouche et qu’en adoptant le dard après avoir constaté l’efficacité de son usage dans le tir des armes du système Manceaux Vieillard, il n’a fait qu’imiter une disposition déjà appliquée.
2/ pour la cheminée à grain de cuivre, que depuis très longtemps le commerce emploie des grains en platine pour préserver le canal de la cheminée de l’action destructrice des gaz de la poudre.
Le perfectionnement consistant à mettre des grains aux cheminées pour prévenir la dégradation de cette pièce est dans le domaine public et chacun peut l’utiliser. Si on n’en a fait jusqu’à présent aucune application aux divers modèles d’armes de guerre en service en France, c’est que l’emploi n’en est pas nécessaire dans les conditions de calibre et de chargement de ces armes.
3/ pour la rondelle en carton, que dès que l’usage des armes se chargeant par la culasse s’est répandue, on s’est servi de cartouches dans lesquelles une rondelle en feutre ou en carton, légèrement forcée dans l’étui, sépare la poudre du projectile. Il est à peine utile de faire remarquer que des munitions de ce genre sont entre les mains de tous les chasseurs.
Le Comité regarde comme mal fondées les prétentions de Manceaux à se dire l’inventeur du dard, du grain de cheminée et de la rondelle en carton.
En surplus, nul ne peut contester à l’Etat le droit de faire expérimenter par qui lui plait et de la manière qui lui convient, une invention quelconque qui lui a été soumise dont il espère faire une utile application.
Signé de Mondésir.
Note relative aux réclamations de Manceaux contre diverses modifications apportées aux armes Chassepot, Maldan 26 avril 1864 :
Par DM du 19 mars dernier, le Ministre rappelle que, le 10 novembre 1863, il a approuvé l’avis émis par le Comité sur les réclamations de Manceaux contre diverses modifications apportées aux armes Chassepot.
A la même date, il a donné connaissance de cette approbation à Manceaux qui a répondu « qu’il se réservait de faire valoir ses droits où et quand il le jugerait opportun ».
Afin de lever les difficultés qui pourraient résulter de ses réserves, Manceaux a été mis en demeure, par acte extra judiciaire, d’avoir à s’expliquer devant le tribunal et à faire valoir, dès à présent, les droits qu’il croit avoir.
Le Ministre demande une note résumant la question et indiquant, d’une manière précise, les raisons à opposer à Manceaux ; note qui pourrait au besoin être communiquée aux juges et qui serait nécessaire pour éclaircir l’avoué et l’avocat, chargés de soutenir cette affaire devant la justice.
De tous les systèmes d’armes se chargeant par la culasse qui ont été présentés au Ministre de la guerre, les deux systèmes qui ont paru les plus propres au service de guerre sont ceux des armes Chassepot et Manceaux Vieillard.
Après des expériences préliminaires exécutés à Vincennes par les soins de la Commission permanente de tir, et dans quelques corps de cavalerie, le Ministre décida que des essais sur une grande échelle seraient faits dans les corps avec ces deux systèmes d’armes.
50 fusils, 50 carabines et 50 mousquetons de chacun des deux systèmes et 25 pistolets Manceaux-Vieillard sont aujourd’hui en expérience dans des régiments d’infanterie des bataillons de chasseurs et des régiments de cavalerie.
Dans les armes MV, l’obturation est produite par le contact d’une virole en acier, conique, sur la paroi intérieure du canon : ce contact devient une pression énergique sous l’action des gaz, lors de la déflagration de la charge.
La virole est creuse et un cône plein en acier s’appuyant sur les bords de la virole, tend à se dilater quand la pression des gaz le chasse en arrière, c’est ce qui produit l’obturation.
« Le cône plein est surmonté d’une tige tronconique d’environ 10 mm de hauteur. Cette tige est destinée à supporter la cartouche par son centre, de telle sorte qu’il reste un espace vide entre le bouton plein du verrou et le derrière de la cartouche : cet espace est donné à la dilatation des gaz qui, après avoir été prendre leur point d’appui sur le bouton du verrou, réagissent en avant et entrainent la balle et tous les débris non encore consumés de l’enveloppe de la cartouche » (extrait du brevet pris le 7 juin 1858 par MM Manceaux et Vieillard).
Dans les armes Chassepot, l’obturation est produite par la dilatation d’une rondelle de caoutchouc placée à l’extrémité du verrou mobile. Dans le principe, le caoutchouc était surmonté d’une rondelle plate et la communication du feu avait lieu à 15 mm environ du fond de la cartouche. Des difficultés de chargement s’étant produites, la Commission permanente de tir, chargée d’en étudier les causes, l’attribua à la position du canal de lumière relativement au fond de la cartouche et, pour y remédier, ne pouvant pas déplacer le canal de lumière, ni changer les verrous mobiles, elle proposa le 11 juin 1863 de surmonter le caoutchouc d’une rondelle d’acier portant en son centre un dard à sommet élargi, destiné à pousser la cartouche en avant dans la chambre pour que le jet de flamme de la capsule vienne frapper la cartouche et enflammer la charge à l’arrière. Cette proposition a été admise, et les armes actuellement en expérience, ont subi la modification proposée.
Dans les deux systèmes, les cheminées sont munies à la base du canal de grains en cuivre, destinés à les préserver de l’action corrosive des gaz de la charge.
La cartouche de MV se compose d’un étui en papier qui renferme la balle et la poudre, et a pour déterminer infailliblement la sortie du pli ou du nœud de papier et de fil qui forme la cartouche, les inventeurs ont, après l’introduction de la balle dans la cartouche, placé sous la base une rondelle de carton : l’effet de cette rondelle est d’empêcher d’abord le contact direct des gaz enflammés sur le derrière du projectile et la déformation qui en résulterait pour lui. Il est compréhensible que la charge d’une arme de guerre doit être considérable pour donner au projectile une longue portée et une trajectoire tendue, surtout lorsqu’il a à vaincre la résistance du frottement dans une arme rayée. Or, la masse de gaz développée ne peut manquer d’agir sur la matière malléable, fusible du projectile, de le déformer et de détruire son équilibre, et conséquemment sa justesse. Cet effet se fait surtout sentir sur les projectiles de petit calibre dont la surface est très réduite et conséquemment plus sensible à l’action des gaz.
« Cette rondelle a encore un autre effet : traversée par son centre d’une tige en laiton qui y est agrafée par une extrémité, et qui par l’autre, est passée dans le nœud qui ferme la cartouche, elle sert, entrainée par les gaz qui la chassent avec le projectile, à emporter le nœud du papier auquel elle est reliée et à débarrasser la chambre et le tube du canon de tous résidus qui nuiraient au chargement successif de l’arme » (extrait du brevet pris le 7 juin 1858).
La cartouche Chassepot se compose d’un étui en papier qui renferme la poudre et la balle et que l’on sertit dans une cannelure pratiquée sur le pourtour du projectile. Entre la poudre et la balle est une rondelle de carton destinée à assurer la conservation de la cartouche, en préservant le plomb de l’action oxydante de la poudre et à régulariser la pression des gaz sur la base de la balle lors de l’inflammation de la charge.
Les armes et cartouches Chassepot ayant été confectionnées dans les établissements de l’artillerie, Manceaux conteste à l’Etat le droit d’appliquer à ces armes :
1/ le dard placé à l’avant de la tête mobile
2/ le grain en cuivre dans la cheminée
3/ de placer une rondelle en carton dans la cartouche.
Il appuie sa protestation, sur ses droits de propriété, attesté, selon lui, par le brevet du 7 juin 1858, qui a été cité plus haut textuellement, en ce qui concerne le dard ou tige placée au sommet de l’obturateur et la rondelle avec tige de laiton ;
Et pour le brevet qu’il a pris le 5 décembre 1861 et dans lequel il est dit : que, pour empêcher la dégradation des cheminées par l’action des gaz de la poudre, il a introduit et vissé au centre de la base un grain en platine ou cuivre rouge au travers duquel passe le trou central de la cheminée. Au moyen de ce grain inoxydable, les parois du trou de la cheminée sont préservées contre l’effet corrosif des gaz de la charge qui se projettent par cette issue.
Il est facile de réfuter les protestations de Mr Manceaux et de prouver qu’elles n’ont aucun fondement. Manceaux s’est fait breveter pour des applications de procédés qui sont dans le domaine public depuis un grand nombre d’années, comme on va le démontrer :
1/En ce qui concerne la tige placée en avant de l’obturateur et ayant pour effet de ménager un espace vide entre le fond du tonnerre et l’arrière de la cartouche.
A la suite d’expériences nombreuses et couronnées de succès, le sieur Dreyse, ancien serrurier, aujourd’hui conseiller de commerce en Prusse et directeur de la manufacture d’armes de Sommerda, parvint en 1841 à faire adopter son système d’armes par le gouvernement prussien, et à obtenir une commande de 60 000 fusils au prix de 15 thaler (56,25 frcs) la pièce.
Or, ces fusils sont les fusils à aiguille qui arment aujourd’hui toute l’infanterie Prussienne et qui armaient déjà les régiments de la Garde en 1848 lors des combats qui eurent lieu à Dresde et dans le Duché de Baden.
La description de cette arme est donnée avec planches explicatives tout au long dans le manuel Roret, édition de 1852.
Page 663 du tome II ligne 9 et suivantes on lit : qu’en arrière de la partie du tonnerre qui contient la cartouche, il existe un espace dans la culasse mobile qu’on appelle chambre postérieure, elle a pour destination de recevoir les résidus de la cartouche et de renfermer un certain volume d’air qui, par son élasticité, amortit le recul de l’arme et, par la haute température à laquelle il est porté, réagit en se dilatant pendant l’explosion et imprime une impulsion additionnelle au projectile ».
Le rapprochement entre les termes et ceux du brevet du 7 juin 1858 est à remarquer. Manceaux ménage un espace libre en arrière de la cartouche et il dit : « cet espace est donné à la dilatation des gaz qui, après avoir été prendre leur point d’appui sur le fond du verrou, réagissent en avant et entrainent la balle, et tous les débris non encore consumés de l’enveloppe de la cartouche ».
Je cite le manuel Roret pour constater la publicité qu’avait reçue en France en 1852 le système du fusil Prussien.
Mais quand bien même le manuel de l’armurier n’aurait pas donné l’explication détaillée et les dessins complets de cette arme, peut-on considérer comme inconnu et n’appartenant pas au domaine public, un système d’arme dont une armée voisine possède, depuis 16 ans, plus de 200 000 spécimens, et dont elle s’est servi en 1848 sur nos propres frontières ?
Or, dans le fusil Prussien, la chambre ou espace vide, située en arrière de la cartouche, quand l’arme est chargée, a 26 mm de hauteur et 16 mm de diamètre, au centre se trouve une tige ou dard de 26 mm de hauteur et de 5 mm de diamètre.
Dans l’arme MV, la chambre ou espace vide, située en arrière de la cartouche quand l’arme est chargée, a 12,5 mm de hauteur et 14,5 mm de diamètre ; la tige ou dard qui se trouve au centre a 12 ?5 mm de hauteur et 6 mm de diamètre.
Ces deux dispositions ne sont-elles pas d’une similitude frappante ? La chambre est plus petite dans l’arme MV que dans le fusil Prussien mais cette différence de capacité peut-elle justifier la validité d’un brevet ?
On n’a du reste parlé jusqu’ici que du fusil Prussien, parce que c’est l’exemple le plus frappant par son ancienneté et par la publicité dont il a été l’objet.
Mais il existe d’autres armes encore qui présentent des dispositions semblables pour le vide ménagé en arrière de la cartouche et qui sont antérieures à l’époque à laquelle le brevet MV a été pris.
Nous citerons par exemple le mousqueton à culasse mobile :
Le 30 mars 1857 la MAC recevait l’ordre de construire sous la direction du général Arcelin, 100 mousquetons à culasse mobile, dont la pièce obturatrice présente une disposition tout à fait semblable à celle que revendique Manceaux et pour laquelle il a pris le brevet du 7 juin 1858.
En effet, dans ce mousqueton, il existe en arrière de la cartouche une chambre de 14 mm de diamètre et de 23 mm de hauteur : au centre de cette chambre est une tige ou dard ayant la même hauteur que la chambre et 10 mm de diamètre.
Si, dans le fusil Prussien, le volume de la chambre ménagée en arrière de la cartouche est beaucoup plus grand que celui de la chambre semblable au fusil MV, dans le mousqueton à culasse mobile, ce volume est presque identique à celui de la chambre de la dernière arme.
En effet, si l’on calcule ces deux volumes d’après les données que nous avons rapportées pour les deux armes, on trouve les résultats suivants :
Volume de la chambre, système à culasse mobile : 1,73 cm 3
Volume de la chambre, système MV : 1,71 cm3
On peut considérer ces deux volumes comme identiques.
Ainsi, antérieurement à l’époque où MV ont pris un brevet pour la chambre ménagée en arrière de la cartouche au moyen d’une tige centrale, sur l’extrémité de laquelle s’appuie l’arrière de la cartouche, il existait deux systèmes d’armes présentant la même disposition, l’un qui constitue au su et vu de toute l’Europe l’armement des troupes prussiennes depuis seize ans, et l’autre, dit mousqueton à culasse mobile dont 100 exemplaires ont été fabriqués par ordre ministériel à la MAC en 1857.
Dans le fusil prussien, la capacité de la chambre est de 4,79 cm3, dans le mousqueton à culasse mobile 1,73 et dans l’arme MV 1,71.
Dans ces trois armes, le but de la chambre est de réserver un espace libre en arrière de la cartouche, pour augmenter la réaction des gaz sur la cartouche lors de la déflagration de la charge.
Dans le mousqueton Chassepot, pour que le jet de flamme de la capsule vienne frapper la cartouche et enflammer la charge à l’arrière, on a placé en avant de la rondelle de caoutchouc, une rondelle en acier portant en son centre une tige ou dard à sommet élargi.
La capacité de la chambre ainsi ménagée en arrière de la cartouche est de 1,7 ! cm3, c’est-à-dire sensiblement la même que dans le mousqueton à culasse mobile et le fusil MV.
L’Etat n’a-t-il pas le droit de faire à ses armes l’application de procédés dont il s’est déjà servi en 1857 lors de l’établissement des mousquetons à culasse mobile et qui sont appliqués au fusil de l’armée prussienne depuis 1841 ? et quelle valeur peut-on accorder aux protestations de Manceaux qui ne s’appuient que sur un brevet pris le 7 juin 1861 pour une application déjà faite aux armes de guerre du gouvernement prussien depuis 1841 ?
2/ En ce qui concerne le grain en cuivre placé à la base de la cheminée.
Depuis très longtemps, le commerce emploie des grains en métal inoxydable pour préserver le canal de la cheminée de l’action corrosive des gaz.
Le perfectionnement consistant à mettre des grains aux cheminées pour prévenir leur dégradation est dans le domaine public et chacun peut l’utiliser.
Les lettres jointes à la note et qui ont été adressées au DC (atelier des modèles d’armes) par Mr Perrin, arquebusier 51 rue Lafitte et Mr Lepage Moutier arquebusier 8 rue Richelieu, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard.
Si, jusqu’à présent, on n’a pas placé de grains aux cheminées des armes de guerre en service en France, c’est que l’emploi n’en est pas nécessaire dans les conditions de calibre et de chargement de ces armes.
On a peine à comprendre comment, ou plutôt dans quel but, Manceaux pris en 1861 (5 décembre) un brevet pour visser des grains en platine ou en cuivre rouge à la base de la cheminée, car, fabricant d’armes depuis plus de vingt ans et ayant même été recevoir et livrer des commandes d’armes en Suisse où ce procédé est non seulement employé mais prescrit par arrêté du Conseil fédéral en date du 13 mai 1851, il ne pouvait ignorer, en 1861, que cette application fut en usage depuis très longtemps en France et à l’étranger.
3/ En ce qui concerne l’emploi de la rondelle en carton interposée entre la poudre et la balle.
La rondelle en carton de MV porte en son centre une tige de laiton qui traverse toute la charge de poudre et dont l’extrémité est tordue avec l’excédant de papier de l’étui. Par ce moyen, la tige en laiton, chassée en même temps que la rondelle en carton à laquelle elle est fixée, entraine avec elle le nœud de papier dans lequel elle est tordue et, avec ce nœud, les débris de l’enveloppe de la cartouche qui ne sont pas consumés.
Il y a là une idée plus ou moins heureuse qui paraît nouvelle et qui peut appartenir à MV. Mais la rondelle de la cartouche Chassepot n’a pas de tige en laiton, c’est une rondelle analogue à toutes les rondelles de feutre ou de carton qui se trouvent dans toutes les cartouches Lefaucheux et autres.
Dès que l’usage des armes se chargeant par la culasse s’est répandu, on s’est servi de cartouches dans lesquelles une rondelle en feutre ou en carton, légèrement forcée dans l’étui, sépare la poudre du projectile.
Même avec les armes qui se chargent par la bouche et qui sont connues vulgairement sous le nom de fusils à baguette, un très grand nombre de chasseurs employent des rondelles de feutre ou de carton en guise de bourre pour séparer la poudre de la balle, ou du plomb suivant le cas.
Ces rondelles ne sont à proprement parler, que des bourres faites d’avance, ayant une épaisseur régulière et tenant moins de place que les bourres en papier froissé.
Les fabricants de cartouches de Paris, Gévelot, Chaudun, Schneider, etc seraient étonnés si on venait, en vertu d’un brevet pris le 7 juin 1858, leur contester le droit de mettre des rondelles en carton dans leurs cartouches. Ils l’ont toujours fait et tout le monde le faisait longtemps avant eux.
La rondelle de la cartouche Chassepot est du même genre que toutes celles qui sont employées par les fabricants de cartouches, et n’a rien qui ressemble à la tige de laiton de la rondelle MV.
Sur ce point, comme sur les deux autres précédents, les protestations de M sont sans aucune valeur.
Signé Maldan, chef d’escadron d’artillerie, Directeur de l’atelier des modèles d’armes.
Affaire Manceaux, Paris, le 5 août 1865, Ministère (Maldan) à Président Comité :
Les cinquante fusils de dragon avec sabre baïonnette sont arrivés samedi dernier au DC. Je les ai visités suivant votre désir et je n’ai eu que deux observations générales à faire :
1/ les fusils n’avaient pas de rondelle obturatrice en caoutchouc.
2/ l’extrémité de la soie, au lieu d’être rivée sur la calotte, était filetée et un petit écrou réunissait la lame à la monture.
J’ai fait venir des rondelles et les armes en sont toutes pourvues.
J’ai fait enlever les écrous et river les soies.
J’ai été occupé toute la semaine avec le procès Manceaux.
Le mémoire que j’ai fait pour être remis aux membres de la cour, et qui est peut être un peu long, a été imprimé d’urgence et chaque conseiller en a reçu un exemplaire mardi.
Jeudi nous avons eu une longue séance de tir au polygone de Vincennes devant toute la cour.
Le général de Bentzmann y assistait ainsi que les officiers de la commission permanente de tir. Mr Manceaux et son avocat, l’avoué et l’avocat du Ministre étaient là.
On a tiré le fusil prussien, le mousqueton Arcelin, le fusil Manceaux, le fusil Chassepot et je crois que les résultats ont été satisfaisants.
Mr Manceaux était furieux en quittant le polygone.
Lundi prochain, Mr de Vallée, premier avocat général donnera les conclusions devant la cour et nous aurons le jugement définitif dans la huitaine.
J’avais préparé pour la séance de tir plusieurs petits engins qui ont servi à mettre en évidence la fausseté des allégations de Manceaux et qui d’après moi, ne doivent laisser substituer aucun doute sur nos droits.
J’ai des nouvelles de la MAC, je pense que les deux armes à aiguille pourraient être terminées, moins les rayures, pour la fin de la semaine prochaine.
Affaire Manceaux, Paris 1er septembre 1865, Ministère (Maldan) à Général de division, aide de camp de l’Empereur, président Comité artillerie :
Comme j’ai eu l’honneur de vous l’annoncer dans ma dernière lettre j’ai fait une séance de tir à Vincennes le 30 août. Je vous envoie ci-joint le résultat du tir.
Bien que jusqu’à 600 m les armes de 11 mm et 11,5 mm aient été tirées par Chassepot et par moi, les % ne laissent pas que d’être satisfaisants surtout avec l’arme de 11,5 mm.
A 800 m, cette dernière arme tirée par le capitaine Prébaron a donné 45 % par rapport au point visé dans une cible de 2 m de côté.
J’ose espérer que sous le rapport de la justesse vous serez satisfait et que vous trouverez bon et valable le mariage du mécanisme à aiguille avec les données de l’arme de 11,5 de la commission permanente.
Pour le dragon, j’ai tiré deux balles différentes qui ont marché, l’une comme l’autre, et en somme la justesse est belle puisqu’elle est de 65,5 % par rapport au point visé, et de 96,2 % par rapport au point moyen à 400 m.
Il y a bien peu d’armes de précision de prix très élevé qui puissent donner des résultats pareils et je crois pour ma part que (tout en continuant à demander mieux) on doit se trouver satisfait en ayant la certitude d’avoir sous la main des modèles d’armes susceptibles d’une tension et d’une justesse aussi belles.
A 800 m, les balles des fusils à aiguille arrivent sur la plaque avec une très grande force, chaque balle est réduite, après le choc, à une petite rondelle de plomb du poids de 4 à 5 grammes.
Mr le colonel Petit vient de me remettre votre lettre du 30 août dans laquelle vous me parlez de l’arrêt de la Cour impérial. Comme vous, mon général, je ne suis pas très satisfait des considérants de l’arrêt, principalement de leur forme, mais je ne crois pas cependant qu’il puisse en résulter de nouveaux procès, malgré l’amour de la chicane qui distingue l’honnête Mr Manceaux. L’arrêt dit en toutes lettres « met l’appellation et ce dont est appel au néant, en ce qu’il a été décidé que le certificat d’addition du 7 juin 1858 était sans valeur aucune quant à la chambre ménagée en arrière de la cartouche au moyen d’une tige centrale ; … déclare nul le certificat sus daté en tant qu’il a pour objet de constituer Manceaux et Vieillard inventeurs de la chambre ou espace vide et de la tige adaptée au fond du tonnerre ».
Nous avons donc le droit d’avoir des armes avec chambre ménagée en arrière de la cartouche au moyen d’une tige centrale, et pourvu que nous ne prenions pas la tige de Manceaux avec la forme et les dimensions il n’a rien à nous dire.
Pour rien au monde, il ne faut entrer en composition avec lui.
Nous avons pour nous le droit, et l’arrêt de la cour, nous sommes invincibles si la cour nous a condamnés aux quarts des dépens, c’est un peu pour ne pas faire comme les 1ers juges, un peu pour ménager Manceaux et sa camarilla qui est puissante. Elle s’y est pris du reste assez spirituellement en ayant l’air d’attribuer à la forme de la tige décrite par Manceaux dans son brevet, le résultat de l’expulsion des résidus de la cartouche et en lui conservant la propriété de cette forme. C’est ce que l’avocat de Manceaux avait plaidé, on lui reconnaît le droit exclusif de faire les tiges cylindriques de 10 mm de hauteur et de 6 mm de diamètre mais toutes les autres tiges sont dans le domaine public, et par conséquent on ne gêne personne.
Je vous donnerai à ce sujet toutes les explications que vous pourrez désirer. Déjà j’ai eu une conférence avec le général Susane qui pense aussi que nous n’avons rien à craindre de Mr Manceaux et que nous pourrons continuer nos essais sans plus nous inquiéter de ce vilain homme.
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Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Bonsoir,
Je vous réitère mon merci pour ces informations inédites sur Chassepot et qui bien sur en combleront plus d'un!
je passe un peu du coq à l'âne et compte sur la souplesse des administrateurs bien sur!
J'ai une personne qui a acquise récemment un chassepot de fabrication civil ,je voudrais savoir qui a fabriqué ces modèles et pourquoi ?
Elle l'a payé 1000€!
je trouve que c'est beaucoup trop cher pour ce type de modèle...
Le levier de culasse est de section octogonal !
Ca fait un peu gothique comme style non?
Bonne soirée.
T.B
Je vous réitère mon merci pour ces informations inédites sur Chassepot et qui bien sur en combleront plus d'un!
je passe un peu du coq à l'âne et compte sur la souplesse des administrateurs bien sur!
J'ai une personne qui a acquise récemment un chassepot de fabrication civil ,je voudrais savoir qui a fabriqué ces modèles et pourquoi ?
Elle l'a payé 1000€!
je trouve que c'est beaucoup trop cher pour ce type de modèle...
Le levier de culasse est de section octogonal !
Ca fait un peu gothique comme style non?
Bonne soirée.
T.B
Loigny 28- Membre expert
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Age : 62
Localisation : Trop loin
Date d'inscription : 14/08/2017
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Effectivement, il y a eu des Chassepots civils.
Je me souviens en avoir effectivement vu un avec le bouton du levier de culasse octogonal et le canon retenu au fut par des goupilles traversantes à l'ancienne au lieu d'anneaux.
Je laisse la place à de plus spécialistes !
Je me souviens en avoir effectivement vu un avec le bouton du levier de culasse octogonal et le canon retenu au fut par des goupilles traversantes à l'ancienne au lieu d'anneaux.
Je laisse la place à de plus spécialistes !
Fra78- Pilier du forum
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Age : 77
Localisation : Versailles / Biarritz
Date d'inscription : 25/08/2009
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Oui!
Et il y a bien peu de chose la dessus.
Toujours est il que ces modèles sont vendus à prix d'or , ce que je ne comprends pas .
On trouve aussi comme variante des pontets stylisés , les côtés du bois "aplatis" à la mode Dreyse , sans parler des vendeurs qui les font passer pour des modèles d'officier! *
C'est un argument commercial qui a la côte et je ne suis pas convaincu de tout ça!
* Plus c'est gros , plus ça marche!
Et il y a bien peu de chose la dessus.
Toujours est il que ces modèles sont vendus à prix d'or , ce que je ne comprends pas .
On trouve aussi comme variante des pontets stylisés , les côtés du bois "aplatis" à la mode Dreyse , sans parler des vendeurs qui les font passer pour des modèles d'officier! *
C'est un argument commercial qui a la côte et je ne suis pas convaincu de tout ça!
* Plus c'est gros , plus ça marche!
Loigny 28- Membre expert
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Date d'inscription : 14/08/2017
moblot70- Membre confirmé
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Date d'inscription : 02/01/2018
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Effectivement c'est payé un peu cher pour une arme civile sur laquelle les marquages ont probablement été effacés en partie, mais cela dépend de qui l'a revendu... Chez Escoffier, on parle tout de même de pièces de qualité et les marquages sont variables...
Ci-dessous avec les marquages d'exportation, poinçon à l'aigle d'Escoffier et poinçons de recette de Chassepot (arme de commerce de fabrication initiale étrangère) :
Ci-dessous avec les marquages d'exportation, poinçon à l'aigle d'Escoffier et poinçons de recette de Chassepot (arme de commerce de fabrication initiale étrangère) :
Conservateur- Futur pilier
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Date d'inscription : 05/01/2015
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Ah oui alors là sans commentaire!
Magnifique!
Mais on est loin de celui vendu par jameswell ex boutique de Djebnah
https://www.naturabuy.fr/Beau-fusil-Fusil-chassepot-1866-1er-type-monogramme-fabrication-civile-item-5802729.html.
Et là c'est autre chose :twisted:
Bonne soirée.
T.B
Magnifique!
Mais on est loin de celui vendu par jameswell ex boutique de Djebnah
https://www.naturabuy.fr/Beau-fusil-Fusil-chassepot-1866-1er-type-monogramme-fabrication-civile-item-5802729.html.
Et là c'est autre chose :twisted:
Bonne soirée.
T.B
Loigny 28- Membre expert
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Age : 62
Localisation : Trop loin
Date d'inscription : 14/08/2017
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Dommage la page n'existe plus...Loigny 28 a écrit:Ah oui alors là sans commentaire!
Magnifique!
Mais on est loin de celui vendu par jameswell ex boutique de Djebnah
https://www.naturabuy.fr/Beau-fusil-Fusil-chassepot-1866-1er-type-monogramme-fabrication-civile-item-5802729.html.
Et là c'est autre chose :twisted:
Bonne soirée.
T.B
Conservateur- Futur pilier
- Nombre de messages : 773
Age : 50
Date d'inscription : 05/01/2015
Re: Une photo inédite de Alphonse Chassepot
Bonjour Conservateur,
Si, vous pouvez tenter sur google "fusil chassepot de fabrication civile" , puis image , c'est celui qui s'est vendu 1000€ à la boutique de Djebna Jamsewel sur NB.
Le levier de culasse est octogonal.
Bonne journée.
THIERRY
Si, vous pouvez tenter sur google "fusil chassepot de fabrication civile" , puis image , c'est celui qui s'est vendu 1000€ à la boutique de Djebna Jamsewel sur NB.
Le levier de culasse est octogonal.
Bonne journée.
THIERRY
Loigny 28- Membre expert
- Nombre de messages : 562
Age : 62
Localisation : Trop loin
Date d'inscription : 14/08/2017
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