Un zouave tireur de première classe et premier prix de tir.

Un membre du forum, en la personne de NATO, a eu l’amicale confiance de me soumettre ce très beau document exhumé ce son conservatoire.
L’occasion était trop belle pour initier un post sur les « prix de tir » et autres « diplômes de tir ».  


Le forum qui se penche sur le Tir et les armes réglementaires se devait de contempler ce vestige du passé issu d’une époque où les destinées du tir civil et militaire se croisaient dans la frénésie de la revanche de l’humiliation de  1870.

Les militaires « challengeaient » au sein de leur propre  régiment pour la gloire et la permission accordée à l’occasion de l’attribution du fameux cor, mais aussi au sein des sociétés civiles de tir, souvent mixtes, pour glaner d’autres lauriers. Ces sociétés de tir, dûment encouragées par les ministères, étaient la continuité de la pépinière guerrière  de cette période. Au détour des tirs scolaires, la jeunesse de France venait y affûter ses vertus patriotiques et effectuer des préparations militaires, etc.
 


Rare document donc où l’on retrouve mêlés  les attributs militaire (épinglettes argent, or, insignes de manche dorés de tireur de 1^ère classe) et le diplôme de 1^er prix de tir de la Société de Tir d’Alger, avec la médaille de ladite société ainsi que celle de l’Union des Sociétés de Tir de la Région de Paris.




Notez que les épinglettes  de tir attribuées postérieurement à 1866, n’ont justement… plus d’épingles ! Il n’y a plus de lumière à déboucher…l’épingle détrônée par le Chassepot est remplacée par un crochet de boutonnière.
 
Le règlement militaire est le suivant :

« le cor de chasse en argent doré avec épinglette et chaîne en argent qui constitue le 1er Prix de tir de l'année attribué individuellement à un seul titulaire au niveau du Corps (Régiment, Bataillon formant corps) en fonction des résultats des tirs d'une année entière ou lors des concours à 2 exemplaires (un pour un sous-officier et un pour un caporal ou soldat).Lors des concours, les suivants reçoivent une épinglette en argent dans les limites de 2 sous-officiers et 9 caporaux ou soldats. Les régiments d'Afrique attribuent 12 épinglettes en argent par régiment par exception lors des concours. Ces épinglettes, portées sur le devant de la tunique, sont la propriété individuelle de l'homme qui peut cumuler plusieurs épinglettes.

-le corps de chasse brodé, cousu sur la manche gauche de la tunique, de la capote et de la veste, est attribué en fonction du classement des tirs de l'année et pour une année seulement à raison de 36 par régiment (54 pour les régiments d'Afrique), 15 par bataillon de chasseurs, 18 par Bataillon d'Infanterie légère d'Afrique. Le cor de chasse est brodé en or ou en argent selon le métal du bouton de l'uniforme. Le titulaire d'un corps de chasse brodé peut le porter une deuxième année s'il reste au moins tireur de 1ère classe. Les réservistes qui possèdent un corps de chasse brodé l'année de leur libération le conservent lorsqu'ils sont rappelés.

-l'insigne de tir est accordé pour une année seulement à tous les tireurs de 1ère classe, à l'exception des sous-officiers, il est cousu sur la manche gauche, il consiste en un cor de chasse écarlate pour les régiments d'infanterie et en drap jonquille pour les bataillons formant corps.
A noter que la mention des récompenses de tir figure sur le livret individuel, qu'un tableau des tireurs de 1ère classe est affiché dans les chambres des compagnies et que des permissions de 30 jours sont accordées aux tireurs primés (à condition d'avoir une bonne conduite habituelle). »












Le règlement était simple … :

« Tiré sur la cible dite de l'Union de 80 cm de diamètre, 10 zones avec visuel de 40 cm; distance 200 mètres.
30 balles en trois séries de 10 balles, debout, genou, couché; le record doit être tiré dans la même journée. On peut annuler son tir et recommencer. Les armes et munitions sont du modèle réglementaire. »
 
 
A cette époque, le tir a le vent en poupe et la Société de Tir d’Alger dispose d’un stand qui nous laisse rêveur.






Détail merveilleux qui donne encore plus de valeur sentimentale à ce document, le bénéficiaire est connu. Le sergent Ernest Urbain BORDIERE du 1^er zouave.
Le 1^er régiment de zouaves tout d’abord.
 
Une belle devise : « premiers soldats du monde ». Tout un programme.


Un beau drapeau qui en dit long :



Son insigne :




En 1901, date de ce concours, le chef de corps de ce bon zouave est le colonel Augustin DUBAIL, futur général au parcours illustre.



Et le zouave BORDIERE ensuite.

En effet, cerise sur le gâteau, la mise en ligne de certaines archives nous délivre la totalité du parcours du quidam.



Je mets le lien pour les curieux qui souhaitent faire des recherches et examiner ce livret sous toutes ses coutures :
 
[url=http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/regmatmil/osd.php?clef=Bordi%C3%A8re-Ernest Urbain-1893-61-Alg%C3%A9rie-Alger-1873-06-18-Marseille-Bouches-du-Rh%C3%B4ne-]http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/regmatmil/osd.php?clef=Bordi%C3%A8re-Ernest%20Urbain-1893-61-Alg%C3%A9rie-Alger-1873-06-18-Marseille-Bouches-du-Rh%C3%B4ne-[/url]
 
Ce diplôme est rare dans cette configuration.  C’est  la première fois que j’en vois un, intact et  complet, revêtu de ses attributs militaires et civils.
On retrouve éparpillés des épinglettes, des médailles et quelques pattes de manche, mais l’ensemble complet !!
 
Et pour ceux qui ne savent pas à quoi ressemblait un zouave au début du siècle, ce bel autochrome de 1914 d’un zouave avec son Lebel. Peut-être un collègue de notre ami BORDIERE.







Et la main de ma sœur dans tout ça, me direz-vous ?...

Et la main de ma sœur dans tout ça, me direz-vous ?...




La culotte du zouave était assez ample pour l'accueillir  ... 


Superbe sujet François !      merci

...en passant par le trou de "vidange" de Lamoricière....

Un plaisir de te relire 

Sur la photo, c'est un chasseur.

« Tiré sur la cible dite de l'Union de 80 cm de diamètre, 10 zones avec visuel de 40 cm; distance 200 mètres.
Ce qui il me semble correspond exactement à notre C200.
Correspondance utile pour apprécier des anciens résultats de tir.

Quand le François se fait rare, c'est qu'il va lâcher du lourd...
Superbe sujet qui se délecte avec un bon cognac, ne pas gâcher par un survol rapide.

Merci

Mousquetaire a écrit " Sur la photo, c'est un chasseur."

Un chasseur avec une chéchia et des attributs de Zouave ?

Je parlais de la première photo, mais j'ai écrit une sonnerie. Avec mes excuses.

Superbe document, merci du partage !

Et le zouave s'est vu attribuer un rare fusil Mle 1886 M93 pour gaucher ...
<

<
merci pour ce reportage très intéressant.
JM 

John MAUSER a écrit:Et le zouave s'est vu attribuer un rare fusil Mle 1886 M93 pour gaucher ...

JM 

Normal, il EST gaucher !   re-  
 

L'autochrome est quand même magnifique. Que restera-t-il de nos images numérisées dans 100 ans ?

A mon avis, (Mais ce n'est que mon avis) le négatif a été retourné. Il porte ses décorations à droite, ce qui ne me paraît pas réglementaire. Mais peut-être que les gauchers en avait le droit.

Pour rester dans les mêmes unités de temps, de lieu et d'action, la carte de tireur à la société de tir "l'Orientale" de Tunis d'un aïeul pour lequel il faudrait que je fasse des recherches car zouave il fut également. 

TARAS1 a écrit:Superbe document, merci du partage !

  Très beau sujet merci pour le partage 

Et quel pedigree.... sacré bonhomme ! 

Un bien beau sujet d une époque ou l on savait écrire à la plume.
Epoque révolue.
Combien de bacheliers actuels seraient capables de passer le certificat d études de cette période?
En tout cas j admire la superbe signature du sociétaire Pertuzio,un artiste!!

PERTUZIO est un membre actif, la signature est celle du Président Délégué.
Quant au Zouave c'est bien un droitier, car comme le fait si justement remarquer Chrismo il porte ses décorations à droite alors qu'elles se portent, règlementairement, à gauche comme ici :

Merci TOMEÏ de ce merveilleux retournement de situation. 

j'ai perdu mon pari avec ma relique , un café et un repas ...

j'avais parié avec Crozet que ce post ne dépasserait pas les 15 visites .....et comme au BMC  la foule était présente et j'en ai perdu aussi ma chéchia !

-je tenais à remercier  "crozet"  pour la teneur hautement intellectuelle de ses écrits et de ses recherches .

et donc merci et gloire à Crozet .

Je parle de la signature du sociétaire Pertuzio  les deux autres sont plus classiques.